La méfiance de la population
1er janvier 1941 : proclamation d’Hitler au peuple allemand « Périsse tout Etat qui se sera appuyé sur les démocraties ».
25 janvier 1941 : la défense passive s’organise à Châteaubriant. Sous la direction du capitaine des pompiers, Lucien MENUET, 31 chefs d’îlots sont nommés ; chacun assisté de deux adjoints, veille à l’obscurcissement des lumières, et dirige les habitants vers les abris, des caves aménagées à cet effet.
6 février 1941 : apparition des bons de chaussures.
7 avril 1941 : 1250 enfants de St Nazaire sont accueillis par Châteaubriant, en raison des bombardements aériens qu’a subis le port. Ils sont hébergés provisoirement dans les écoles de la rue de la Victoire et à l’école privée Nazareth, avant d’être répartis dans des familles.
20 juin 1941 : Ernest BREANT, qui a démissionné 4 mois auparavant, est prié de poursuivre sa tâche de maire. Lui sont adjoints sept nouveaux conseillers municipaux pour remplacer ceux qui sont décédés. Le docteur André BERNOU organise le service médical de la Croix Rouge.
8 juillet 1941 : le Préfet de Loire-Atlantique informe les castelbriantais qu’il met en vente l’effigie du Maréchal Pétain. Il est question de "l’intérêt artistique et social de cette édition".
12 août 1941, le maréchal Pétain met en garde les Français : « De plusieurs régions de France, je sens souffler un vent mauvais. L’inquiétude gagne les esprits, le doute s’empare des âmes, l’autorité de mon gouvernement est discutée (...) La radio de Londres et certains journaux français ajoutent à ce désarroi des esprits ... Il faut vaincre la résistance de tous les adversaires de l’ordre nouveau, briser leurs entreprises, en décimant les chefs ».
La propagande
Châteaubriant vit ainsi sous l’Occupation allemande. Au début les Castelbriantais ont cherché à distinguer, parmi les soldats occupants, ceux qui sont Allemands et ceux qui sont Autrichiens parce que ces derniers, généralement enrôlés de force après l’Anschluss, expriment parfois leur désaccord avec les méthodes nazies. Mais rapidement, à Châteaubriant, le climat se dégrade. Chacun se méfie de son voisin. N’est-il pas de la « cinquième colonne » chargée d’infiltrer la population ?
Les Castelbriantais se divisent : il y a d’un côté ceux qui n’acceptent pas la défaite et l’Occupation. De l’autre il y a les Vichystes et les partisans de la Collaboration. Même sur les bancs des écoles, les enfants, mis en garde par leurs parents, se méfient de leurs camarades. Des enfants juifs, portant l’étoile jaune (par exemple le jeune Ernst KOHN) côtoient le fils du Capitaine Leclercq (celui-ci s’engagera dans la LVF).
La ville est inondée d’affiches du Maréchal Pétain, montrant le vieil homme (84 ans), considérablement rajeuni et viril, plein de prestance sur son grand cheval blanc. Dans les écoles on chante « Maréchal, nous voilà » et les enfants reçoivent des biscuits à la caséine « au nom du Maréchal Pétain ». Le drapeau tricolore a été remplacé par trois drapeaux, bleu, blanc, rouge, assortis de la Francisque, emblème évoquant une hache de guerre. [Le Francisme fut une ligue de tendance fasciste fondée en 1933. Dissoute par Léon Blum en 1936, elle fut reconstituée et devint le Parti Franciste, un des organes de la Collaboration sous l’occupation allemande].
La ville subit une intense propagande à la gloire de l’armée allemande. L’affichage est massif. Au cinéma, que dirige Marcel BLAIS (qui mourra en Déportation), les « actualités » célèbrent les victoires allemandes (ou présentées telles). En dehors des lieux spécifiquement utilisés par les troupes d’Occupation, des organisations comme « le secours national » entretiennent des sentiments pro-allemands.
Au marché, Jean Gilois entend les marchands de goualantes (souvent un accordéoniste et une chanteuse) reprenant des chansons à la gloire de Vichy ... mais aussi quelques chansons nostalgiques (« J’attendrai le jour et la nuit, j’attendrai toujours ton retour ... ») émouvant particulièrement les nombreuses femmes restées seules [les mêmes marchands de goualantes prendront le virage, plus tard, à la Libération, avec des chansons à la gloire de l’Amérique et de la France libérée « C’est une fleur de Paris, du vieux Paris qui sourit, car c’est la fleur du retour, du retour des beaux jours.Pendant quatre ans dans nos cœurs, elle a gardé ses couleurs, Bleu, Blanc, Rouge, avec l’espoir elle a fleuri, Fleur de Paris »]. Malgré les Allemands, on chante aussi avec Maurice Chevalier : « Ca sent si bon la France ... ».
La propagande pro-allemande passe sous couvert de « redressement national ». Le gouvernement veut supprimer les départements pour rétablir les Provinces dont les enfants des écoles doivent réciter la liste. Il n’est plus question de République mais d’Etat Français. Les syndicats sont interdits, on envisage de rétablir les Corporations. On remet en honneur les traditions et le sport. « La journée du serment de l’athlète ». est organisée à Châteaubriant, y compris à l’école publique. Paulette Blond-Fontaine se souvient : « Nous étions au terrain de sports de la Ville en Bois. C’était après le départ des prisonniers de guerre. Ce jour-là nous avons fait plein de sports différents, exécuté des danses folkloriques, et défilé devant la tribune. C’est le premier défilé que je voyais. Moi j’étais contente. Mon père, quand il a appris cela, le soir, est entré dans une violente colère ». Un peu partout, les instituteurs et animateurs de mouvements de jeunes, sont priés de propager les « nouvelles valeurs », celles du « redressement national ».