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Germaine Huard

 Germaine Huard

Mme Germaine HUARD, née le 16 janvier 1906, est décédée le 9 janvier 2005 à près de 99 ans.

C’est une grande dame qui disparaît, un pan de l’histoire de Châteaubriant.

A l’époque mère de cinq enfants, Germaine Huard est entrée, pendant la guerre, comme « boîte à lettres » dans le réseau de renseignement appelé F2 (Famille 2), (auquel participaient aussi Annie Gautier-Grosdoy et Frédéric Buffetrille).

C’était l’époque où il fallait se méfier de tout le monde mais son "agent recruteur", pour prouver sa bonne foi, lui communiqua deux "messages personnels" qu’elle entendra effectivement, quelques jours plus tard, sur Radio-Londres.

A l’époque sa maison était occupée par des officiers allemands et par deux classes scolaires. Il fallait être prudent « et surtout ne jamais aider aucun Anglais ou se disant Anglais » raconte-t-elle, en ajoutant : « Un jour, est arrivé chez nous un homme qui s’appelait M. JUNO. Il se disait poursuivi par des Allemands et nous demandait de lui indiquer une filière pour passer en zone libre. Il avait des vêtements déchirés et l’air traqué mais nous nous sommes méfiés : nous l’avons gardé à dormir chez nous et, le lendemain matin, nous nous sommes aperçu qu’il avait un revolver dans une poche... et un chapelet dans l’autre. »

« C’était un provocateur, nommé en réalité Jacques Vasseur, à la solde des Allemands, et nous en avons eu confirmation au moment de son procès à la Libération. Il percevait de l’argent pour chaque résistant qu’il avait fait prendre. Nous y avons échappé cette fois-là ».

Ce Jacques Vasseur est responsable, entre autres, du massacre de Bout-de-Forêt.

Quand les Allemands vinrent arrêter Mme Huard et son époux, le 13 mai 1944, il y eut un effet de surprise : « les patrouilles allemandes longeaient la maison toutes les nuits. Je ne me doutais pas que, cette fois, c’était pour nous ». Au moment de son arrestation Mme Huard n’avait pas encore caché les papiers compromettants qu’elle dissimulait habituellement dans une boite en fer, dans le jardin, près de la pompe. Ce matin-là, il était 5 h, en embrassant une de ses filles, elle réussit à lui faire comprendre qu’il fallait faire disparaître quelques documents qui risquaient de gêner le reste du réseau.

Transférée à Angers, interrogée de façon violente, Mme Huard supportait très mal d’entendre, de sa cellule, les cris d’hommes battus à coups de nerfs de bœuf, et les gémissements des prisonniers torturés.

Après un passage au fort de Romainville, Mme HUARD fut déportée à Ravensbrück en août 1944.

RAVENSBRUCK, au Nord de l’Allemagne, le principal camp de concentration de femmes.

Geneviève DE GAULLE, Germaine TILLION et 10 000 françaises environ, y furent déportées, dont deux castelbriantaises Berthe BESNARD et Jacqueline LAIGUES. "Dans ce camp il y avait des milliers de femmes, décharnées, jaunes, portant des plaies et vêtues d’une tenue de clown" se souvient-elle. Sept mille à huit mille Françaises y moururent. Huit cents bébés y furent étouffés à leur naissance.

RAVENSBRUCK fut, comme les autres camps de concentration, un lieu de punition, de « rééducation par le travail », de travaux forcés pour satisfaire les besoins de l’Allemagne, mais surtout pour avilir, frapper, effrayer la population et empêcher par la simple terreur qu’il engendrait, toute velléité de résistance.

« Je me souviens de la Noël 1944 : toute une journée dehors, debout au garde-à-vous, sur la place d’appel, sous la neige, sous la surveillance de chiens-loups. Beaucoup de Déportées sont mortes ce jour-là »

 57852

Première chose que l’on apprit aux Déportées : réciter leur numéro à la moindre réquisition. Madame Huard, sur un triangle rouge (qui marquait les Déportées politiques) portait le n° 57 852 : sieben undfünfzig tausend acht undert zwei und fünfzig.

"Marche ou crève" : telle était la pratique du camp. Une partie des femmes se relayaient jour et nuit aux usines Siemens. D’autres travaillaient 12 heures par jour dans les « betrieb » : raccommodage, lessive, confection de vêtements pour les troupes allemandes.

Les autres femmes, appelées Verfügbaren (disponibles), servaient de réservoir de main-d’oeuvre en cas de besoin et étaient affectées à des travaux de terrassement. N’importe quoi.

Par exemple : « Nous faisions une route. Nous devions niveler le sol avec nos pelles et nos pioches, empierrer et passer un rouleau compresseur si lourd qu’il fallait 30 femmes pour le tirer » raconte Germaine HUARD.

Ailleurs, c’étaient des travaux totalement inutiles : « Nous avions de lourdes bêches de terrassiers, de celles qu’emploient les hommes. Il nous fallait remplir de sable des wagonnets et les pousser ensuite vers le marais à combler. Quelques temps après, on nous fit recreuser pour enlever le sable que nous avions mis ».

La libération de la France, et de Châteaubriant en particulier en août 1944, ne fut pas connue à Ravensbruck. Mais l’Allemagne peu à peu perdait la guerre. Le 13 avril 1945 Germaine Huard, avec près de 2000 femmes quitta le Kommando où elle se trouvait pour une terrible marche de la mort, "nous étions fouettées comme des chevaux" dit Mme Huard,

Le 21 avril 1945, avec d’autres femmes (dix ou douze), elle réussit à s’échapper et se cacha, en dissimulant autant que possible la marque peinte dans le dos de sa tenue bleue de déportée. (Mme Huard est arrivée à Ravensbrück dans les derniers convois de Déportées. Il n’y avait plus, alors, suffisamment de tenues rayées. Elle fut donc affublées d’une robe bleue, portant, dans le dos, une pièce rectangulaire rayée et le fameux triangle rouge)

Commencèrent alors des semaines d’errance dans la campagne allemande, avec pour toute nourriture des herbes, de la rhubarbe et des pissenlits. « Pour tant de pas aux plaines longues à la quête des égarés ....... » dira un chant lors de son enterrement.

Ce n’est que le 30 mai 1945 que Germaine Huard retrouva son époux à Paris.
« Il m’a fallu beaucoup de temps pour me réhabituer à une vie normale, raconte-t-elle. Même le lit m’était physiquement insupportable : il me fallait dormir par terre ».


Mme Huard, après la guerre, a témoigné plusieurs fois dans les écoles parce que, disait-elle "les jeunes qui n’ont connu ni l’Occupation, ni la Libération, ont le droit de savoir que des millions de gens sont morts pour qu’ils gardent la liberté".

Toute sa vie, elle fut une femme discrète, sensible aux difficultés des plus faibles des ouvriers de l’usine Huard et des personnes âgées de l’hôpital, les aidant du mieux qu’elle pouvait. Elle était très respectée et aimée.

BP


A l’heure actuelle le seul Déporté castelbriantais encore vivant
est Marcel Letertre.


A lire : « Châteaubriant 1393-1945, Telles furent nos jeunes années ».
Aux Editions de La Mée. En vente en librairie. 02 40 81 03 52

 Quelques précisions

Quelques précisions, selon les indications fournies par M. Jean Huard, fils de Germaine Huard.

Arrivée des Allemands à Châteaubriant : « Tout le monde dit que c’est le 17 juin 1940, en fait tout le monde a répété l’erreur du Sous-Préfet Lecornu. En fait je me souviens très bien avoir entendu un discours du Maréchal Pétain le 17 juin. Dans la soirée la Sous-Préfecture a prévenu ma mère qu’il fallait fuir. Mon père est resté à Châteaubriant, ma mère est partie, avec les 5 enfants, le 18 juin au matin. Les Allemands ont dû arriver le 18 au soir ou le 19 juin au matin »

Fabrications de l’usine Huard pendant la guerre : « vous avez dit que nous fabriquions des ailettes de V2. Ce n’est pas possible car cet avion était encore à l’étude en Allemagne. Et de toutes façons l’entreprise travaillait le fer et pas les alliages légers » dit Jean Huard.

Parenté : « Vous avez dit « Mme Huard était apparentée au Cardinal Lustiger et à la famille Mitterrand ». C’est faux. Voici quelques précisions données parJean Huard. :

- Germaine Huard était née « Courcoux ». Le jeune Jean-Marie Lustiger, juif de 17-18 ans, était camouflé dans un petit séminaire à Orléans, et c’est Monseigneur Courcoux, évêque d’Orléans, qui a fait son éducation. La mère du futur Cardinal Lustiger a été arrêtée à Paris. Elle mourra au camp d’Auschwitz. Le père Lustiger fut également déporté mais en revint (il fut d’ailleurs bien fâché de découvrir plus tard que son fils avait effectivement laissé la religion juive pour adopter la religion catholique)

- En ce qui concerne la famille Mitterrand, une des sœurs de Danièle Mitterrand aurait épousé un lointain cousin de la famille Courcoux. On ne peut donc pas dire qu’il y aurait de quelconques liens de parenté entre la famille Mitterrand et la famille Huard.

(Noter : un excellent roman sur les relations entre les religions juives et catholiques : L’enfant de Noé, par Eric-Emmanule Schmitt, Ed.Albin Michel. L’histoire d’un jeune homme juif qui se cache dans un pensionnat catholique. Passionnant. A mettre entre toutes les mains. Prix 15 €)


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Texte du livre "Telles furent nos jeunes annees", telechargeable ici : http://www.journal-la-mee-2.info/bp/LivreMee.pdf

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