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Accueil > La Résistance à Châteaubriant > b - Commémorations > Commémoration de la Sablière - 2001

Commémoration de la Sablière - 2001



(Textes, et poèmes extraits de l’évocation historique du 21 octobre 2001, conçue et écrite par Jacques Mignot, réalisée avec la collaboration d’Alexis Chevalier et des élèves du Lycée Guy Môquet, du Collège de la Ville aux Roses et de l’Ecole des Terrasses)(et avec la participation de Gilles Servat)

Dimanche 21 octobre 2001, 60e anniversaire de l’exécution des 27 Otages de Châteaubriant à La Sablière. On entend des vociférations puis l’appel, 9 par 9, des noms des Otages. Les moteurs des camions se mettent en marche. Une voix d’homme entonne la Marseillaise reprise par les 27 puis par tous les internés du camp. Les moteurs vrombissent sans pouvoir couvrir les voix, puis s’éloignent. Des jeunes se font alors l’écho des lettres des 27 Otages :

Maximilien Bastard, 21 ans.

"C’est terrible, je serai mort ce soir ou demain, je ne sais quand ... Je suis tout de même un peu troublé mais je n’ai pas peur, vous savez, je saurai mourir en bon Français.. "

Claude Lalet, 21 ans.

"Surtout, gardons nos rires et nos chants !"

Emile David, 19 ans.

"Bien triste souvenir que cette lettre, mais mourir maintenant ou plus tard, cela n’a pas d’importance."

Charles Delavaquerie, 19 ans.

"Nous ne reverrons plus les beaux jours revenir. Finis les derniers beaux jours en famille. Je ne reverrai plus mon beau Montreuil."

Guy Moquet, 17 ans 1/2.

"17 ans et demi , ma vie a été courte. Je n’ai aucun regret si ce n’est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c’est d’être courageuse et de surmonter ta peine. Je ne peux en mettre davantage, je vous quitte tous, toutes, toi maman, Séserge, papa, en vous embrassant de tout mon coeur d’enfant. Courage !
Votre Guy qui vous aime."

On entend à nouveau les moteurs des camions de plus en plus fort. Puis, à quelques instants d’intervalle, trois salves. Enfin, un silence pesant.

Sur fond du Chant des Partisans, quelqu’un raconte : ce 22 Octobre 1941, il y a 60 ans, ici même dans cette carrière, 27 patriotes furent fusillés par les nazis, avec la complicité du gouvernement de Vichy. Le même jour, à Nantes, 16 autres patriotes : six dirigeants des anciens combattants de 14-18, et dix jeunes de 17 à 21 ans, communistes et catholiques travaillant ensemble dans la Résistance. Cinq autres au Mont Valérien.

Tout au long de la guerre, des dizaines de milliers de résistants de diverses sensibilités politiques, philosophiques et religieuses, qui avaient combattu le nazisme ont été fusillés. C’est à eux tous que nous rendons, ici, hommage.

Amis entends-tu le vol lourd
Des corbeaux sur la plaine ...
Amis entends-tu le cri sourd du pays
Qu’on enchaîne ...

Vous étiez compagnons, vous étiez camarades. Frères, vous étiez Hommes et Femmes de divers horizons. Morts sous les balles, morts dans les camps. Chantez camarades, sifflez compagnons. Encore et toujours, nous entendons votre appel dans la nuit vers la Liberté ...

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom
Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom
 
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté

LA LIBERTE BRILLE DANS LA NUIT, chante Gilles Servat

Des millions d’êtres humains ne virent plus jamais briller la liberté. Camps de concentration, d’extermination, camps de la mort. Des jeunes du Collège de la Ville-aux-Roses ont écrit ce qu’ils ont ressenti en voyant de terribles photos.

Marion :

"Des enfants pas heureux
Sans liberté
Pas d’amusement
Des enfants sans espace
Sans confort
Pas de jeux
Mal nourris
Des enfants sans rire"

Sabrina.

"Ces enfants là sont pauvres
Ils ne sont pas libres
Ils n’ont pas de sourire
Qui sait ? Il ne savent même pas
Ce que ça veut dire, rire.
Ils sont enfermés par un barbelé
Comme un oiseau enfermé dans sa cage
L’oiseau, lui, est nourri
Eux ne sont pas bien nourris.
L’oiseau, lui, se lave avec ses moyens
Eux ne se lavent pas, ils sont sales.
L’oiseau, quand il chante, il est joyeux.
Ces enfants ne savent pas
Ce que ça veut dire d’être joyeux.
Ils ne connaissent pas la richesse.
Ils n’ont aucune vie
Alors que l’oiseau, lui, a sa vie.
L’oiseau peut avoir sa liberté
Quand il est dehors
Mais eux, non."

L’HIRONDELLE (de Gilles SERVAT) :

Les corbeaux et les sansonnets
Par bandes passent dans le ciel
Dans l’air neigeux dessus les genêts
Et s’abattent drus comme grêle
Sur les labours de ce pays
Mon beau pays par l’hiver soumis
 
Quand reverrons-nous l’hirondelle
Noire et blanche noire et blanche
Quand reverrons-nous l’hirondelle
Blanche au ventre et noire aux ailes
 
Les arbres dressent branches nues
Vers les cieux gris silencieux
Tendent leurs branches nues
vers les nues
Tandis que des loups orgueilleux
Hurlent partout sur le pays
Mon beau pays par l’hiver soumis...
 
Sur la campagne démembrée
Que le vent transit tout entière
En place des talus arrachés
Poussent les arbres des cimetières
Plantés tout noirs sur le pays
Mon beau pays par l’hiver soumis
 
Les gens immobiles se taisent
La langue engourdie dans la bouche
Serrés autour de l’âtre où la braise
Rougeoie pareille aux tas de souches
Qu’on voit fumer sur le pays
Mon beau pays par l’hiver soumis

Stéphanie.

"Ce petit garçon est immatriculé
comme une voiture.
Ce regard plein de tristesse.... `

Manon, elle, a imaginé être elle-même dans un camp avec son petit frère et a écrit cette lettre.

"Chère mère,

Tu me vois là au milieu avec ce gilet que tu m’avais acheté à mes 5 ans. Tu vois où je passe mon 11e anniversaire ; tu vois aussi comme j’ai maigri ; ça fait maintenant quatre mois que je ne t’ai pas vue. Les Allemands me disent souvent que ça fait longtemps que j’aurais dû mourir ; je m’occupe bien de mon petit frère qui est arrivé le mois dernier. Regarde-le comme il est beau. Je lui donne tous les jours ma portion de nourriture et moi, le soir, quand j’y arrive, je passe dans le tunnel pour y prendre les miettes des Allemands. Ton fils me demande souvent : " Sophie, la guerre, c’est quand qu’elle est finie ? " Mais je ne peux rien lui répondre. Je sais qu’il me reste peu de temps à vivre. Alors, " adieu " maman. Je rêve souvent que tu m’embrasses le soir avant de dormir. Mais ce n’est qu’un rêve. Ce soir, j’y rêverai encore mais ce sera peut-être la dernière fois. Adieu, maman. Sophie, "

Bruits de chaînes, bruit des armes
Sentinelles jours et nuits
Des cris, des pleurs et des larmes
La mort pour celui qui fuit
(Chant des Marais)

Quelques jours après les fusillades de Châteaubriant, le Général de Gaulle, le 25 Octobre 1941, prononça à la radio de Londres un discours dont voici un extrait :

"En fusillant nos martyrs, l’ennemi a cru qu’il allait faire peur à la France ! La France va lui montrer qu’elle n’a pas peur de lui. ( ) Vendredi prochain, 31 Octobre, de 4 heures à 4 heures 05 de l’après-midi, toute espèce d’activité devra cesser sur tout le territoire français."

Le même jour, le Président Roosevelt déclarait : « La pratique consistant à exécuter en masse d’innocents otages en représailles d’attaques isolées contre des Allemands dans les pays provisoirement placés sous la botte nazie révolte un monde pourtant déjà endurci aux souffrances et aux brutalités »

 LES FUSILLES DE CHATEAUBRIANT

Ils sont appuyés contre le ciel
Ils sont une trentaine appuyés contre le ciel
Avec toute la vie derrière eux
Ils sont pleins d’étonnement pour leur épaule
Qui est un monument d’amour
(René Guy Cadou)

Loin, en effet, de s’éteindre, la Résistance s’amplifia et s’organisa sur tout le pays.

Mathieu :

Hitler tue, brûle, envahit.
Que va devenir notre pays ?
Souffrance des enfants,
Des femmes et des hommes
Tuerie sans fin.
Vive la Résistance,
Elle nous délivre de cette malchance.
Bientôt Hitler et compagnie
Vont décamper
Pour partir vers d’autres comtés.
Au revoir guerre et souffrance
Revoilà la France.

LA NEIGE ROUGE
René-Guy Cadou - Gilles Servat

Noël précoce encor le sang
Le groseillier sombre des villes
Et pour ceux qui dorment tranquilles
La fleur qui s’ouvre dans le flanc
Les platras du front sous les pierres
Dans la limaille du chemin
Le corps qui marche sur les mains
Ce pansement c’est ta paupière
Roulotte noire et cheval mort
Les fontaines aux flots de lave
Et vers le soir les plaies qu’on lave
Comme les marches à l’aurore
Le ciel une immense fenêtre
Le cimetière des croisées
Toutes ces têtes bien rasées
Dans le panier vont disparaître
Et tu seras le seul couvert
Par les oiseaux de ton visage
A ne pas perdre tout courage
Tant tu auras déjà souffert.

Lettre de Jean Ferrat :

Toujours je me souviendrai de ma venue à Châteaubriant par ce jour pluvieux d’octobre. Moi, face à cette foule de visages inconnus et amis, moi chantant, oui, chantant « Neige et brouillard » en me demandant à chaque instant si je pouvais aller jusqu’au bout, si je n’allais pas devoir m’interrompre, le fil brisé. Oui, c’est un souvenir qui restera toujours gravé au fond de moi, la marque indélébile d’un moment terrible et fraternel

Lettre de Francis Cabrel :

" Comment quelqu’un de ma génération a-t-il pu grandir, s’épanouir, voyager, profiter des joies de la famille sans jamais connaître le fracas des armes, la peur, le trouble, le chaos. La chance sans doute.

Mais par dessus tout l’envie féroce, de ceux qui ont eu la douleur de traverser l’enfer, de ne pas recommencer, de témoigner suffisamment fort pour que chacun se tienne à tout jamais loin du brasier

Il y a donc de votre histoire dans la mien- ne. Il y a de vos larmes dans ma quiétude, de votre courage dans ma tranquillité, de vos nuits de fracas dans mon silence. Puissent nos enfants connaître la même paix que nous. Grâce à vous qui vous êtes brûlé les ailes aux terribles combats. Puissiez-vous être les derniers

Lettre de Jean-Jacques Goldman :

Mettre des visages sur les tombes
Mettre des noms sur les chiffres
Du sang, de la peur, du courage
Des vies gâchées
Sur l’idée de liberté
Un musée sert à ça
Charles, Jean, Jean-Pierre, Victor ...et tous les autres
Les entendre chanter
Les imaginer ensemble
Attendant leur tour avec conviction
Angoisse et Fraternité
Essayer d’être digne d’eux
Au moins dans les combats minuscules
Que la chance nous a laissés.

La guerre est finie depuis 56 ans.
La guerre mondiale, oui. Mais peut-on dire que le monde vit en paix ? Devant tant d’injustices, tant de misères, tant de morts, peut-on se taire ?

Je chanterai ce que je voudrai
Comme je voudrai je chanterai
Et dans la langue que je voudrai ...

chante Gilles Servat

Selon les périodes, beaucoup de jeunes expriment leurs sentiments à travers certaines chansons qu’ils font leurs :

Accroche à ton cœur
Un morceau de chiffon rouge
Une fleur couleur de sang
Si tu veux vraiment
Que ça change et que ça bouge
Lève-toi car il est temps
 
Nous réveillerons la terre entière
Et demain nos matins chanteront ...

Doit-on, peut-on pardonner les atrocités nazies, les crimes racistes odieux, les massacres de populations civiles ou les actes de fanatisme aveugle tuant des milliers d’innocents ? Non, bien sûr. Jamais ! Peut-on accepter que, parfois, seule la haine entraîne certains peuples, certaines communautés à s’entre-déchirer ?

Où nous entraîne la haine ?
Que deviendrai-je si
Dans ses bras obscurs je m’abandonne ?

Avant de nous quitter, ne peut-on entendre encore un peu s’exprimer les jeunes ?

ANTOINE :

Pour la Paix, Ils ont tout fait.
Pour être libres
Ils ont touché l’inaccessible.
Pour nous défendre
Ils ont failli se faire prendre.
Pour que le monde change
Ils ont chanté des louanges.
Pour les remercier
Un poème j’ai composé.

NADEGE :

Tu es Noir. Et fier de l’être.
Sois fort. Reste fier de toi.
Ne tourne pas la tête quand on t’insulte.
Reste toi-même.
 
Tu es Noir. Et fier de l’être.
N’aie pas peur du regard des imbéciles. Bats-toi .
Et tu gagneras.
 
Tu es Noir. Et fier de l’être.
N’écoute pas les autres.
Ce sont des ignorants.
Résiste. Sois fort.
Lutte. Jusqu’à ton dernier souffle
Où tu diras : "Je suis Noir, et fier de l’être".

Elodie :

Dans résister, il y a « terre »
Celle que nous partageons
Avec nos frères
 
Dans résister, il y a " si "
Celui que l’on trouve dans merci
Merci à vous qui avez lutté
Merci à vous qui allez gagner
 
Dans résister, il y a " ré "
Comme dans la gamme
Qui nous fera nous lever
 
Dans résister, il y a " rit "
Quand enfin nous aurons réussi.

L’être humain, depuis des millénaires, veut toujours comprendre, savoir plus, connaître mieux. Il aspire au mieux-être.

Par la science, l’art ou la foi, l’être humain aspire à ce "quelque chose" qu’il ne connaît pas mais espère connaître un jour. Comment nommer cette chose ? Le Graal ? Le Paradis ? L’inaccessible étoile ?

Aimer jusqu’à la déchirure
Tenter sans force et sans d’armure
D’atteindre l’inaccessible étoile ...

Le monde est ce que les êtres humains font de lui. Le monde est ce que les hommes ont fait de lui. N’appartient-il pas, maintenant, aux êtres humains, particulièrement aux jeunes, garçons et filles, de faire de lui un monde où les maîtres mots seront justice, tolérance et paix ? Ce sont les premières marches à franchir pour se rapprocher de ce « quelque chose » que chacun peut librement nommer comme il l’entend ? Moi, je propose : bonheur.

Poèmes de jeunes sur la Résistance

Texte de l’évocation historique du 22 octobre 2000
conçue et réalisée par Jacques Mignot



 Commémorations de la Sablière

La Sablière

_ La Sablière : Femmes courage - 2007

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Texte du livre "Telles furent nos jeunes annees", telechargeable ici : http://www.journal-la-mee.fr/bp/LivreMee.pdf

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