Accès rapide : Aller au contenu de l'article |  Aller au menu |  Aller au plan simplifié  |  Aide  |  Contact |
bandeau

Accueil > Histoire > Au jour le jour > 1789-1790 - Histoire de Châteaubriant

1789-1790 - Histoire de Châteaubriant

Page précédente - page suivante

Date de mise en ligne : lundi 24 octobre 2005

A partir de septembre 1789, la municipalité de Châteaubriant se réunit beaucoup plus fréquemment qu’autrefois, ou plutôt réunit l’ensemble des habitants de la ville, pour y lire les nombreux courriers venus de l’Assemblée Nationale, mais aussi de diverses villes du Royaume. Les décrets, lois, lettres patentes du Roi, proclamations, arrivent toujours en huit exemplaires et les réunions font état de tous ces documents qui arrivent.

Les formulations changent souvent : sur le même cahier, avec les mêmes signatures, on lit qu’il y a eu réunion « du corps municipal », ou de « l’assemblée de la municipalité », ou de « l’assemblée du Conseil Général de la Commune », ou de « l’Assemblée du Conseil Général et de la Commune ». On s’y perd un peu !

On sent que l’information et les idées circulent entre les villes. On sent aussi un profond désir patriotique, le désir de rompre avec les pratiques antérieures que la Communauté de ville résumait ainsi en 1788 : « Des administrateurs délicats et sensibles éprouvent une douce satisfaction à consulter leurs commettans quoiqu’ils ayent le droit de prononcer sur leurs intérêts les plus chers. Au contraire, les insouciants et les superbes parcourent leur carrière sans s’inquiéter du bonheur de leurs concitoyens »

25 août 1789, il y eut bénédiction des drapeaux envoyés par Nantes à la Garde Nationale de Châteaubriant. On jura fidélité à la nation, à la loi et au Roi.

La jeunesse

Septembre 1789, l’Assemblée des habitants s’inquiéta de l’éducation de la jeunesse et de l’instruction de la milice nationale. Revenons un peu en arrière : en 1685 la communauté de ville avait affermé « La maison du Légat de l’Epinette », avec son jardin, située rue de la Poterne, près du mur de ville, pour y implanter les classes de son collège. Mais un jour, elle signifia au régent de ce collège que, vu l’état d’indigence où elle se trouvait, elle ne pouvait plus lui verser la moindre rétribution, ni faire les réparations aux bâtiments. Le sieur Fouchier, prêtre, continua pendant une dizaine d’années à se charger seul des classes sans autre salaire que celui qu’il recevait de ses écoliers. A sa mort, tout tomba.

De 1724 à 1786 les régents se succédèrent sans s’arrêter. Les classes étaient interrompues, les écoliers
abandonnaient leurs maîtres. Tout allait au plus mal. Le 18 juin 1786, le sieur Joseph Le Leslé fut nommé professeur au collège de la ville (nomination contestée par les agents du Baron de Châteaubriant, nouvelle cause de division entre les bourgeois et les officiers seigneuriaux) .

Le sieur Le Leslé fut chargé « d’enseigner les éléments de la langue latine, et les humanités, et la grammaire
française à ceux qui ne voudraient pas s’addonner à l’étude de la langue latine ». La communauté de ville lui
consentit une rente annuelle de 200 livres, et lui accorda 100 livres de plus, à prendre sur les deniers d’octroi, « pour faciliter autant qu’il est possible l’étude des sciences à ceux même qui jouissent d’une fortune médiocre ». La communauté décida en outre qu’elle pourrait chaque mois « aller inspecter la façon dont les enfants sont enseignés, être témoin des leçons, recevoir les plaintes du professeur et celles des écoliers ». Elle pourra même être appelée à statuer si le professeur congédie un élève.

En septembre 1789, l’instruction de la jeunesse est toujours confiée au sieur Le Leslé qui doit être de bonne
composition puisque la municipalité reconnaît qu’il n’a « point touché les appointements ordinaires, qu’on a trouvé le moyen d’éluder le paiement de ses appointements sous différents prétextes, et qu’il est temps de lever les obstacles qui gênent le sieur Le Leslé et qui mettent entraves à l’éducation ».

La milice

Toujours en septembre 1789, l’assemblée des habitants estima « indispensable de faire instruire la milice nationale dont une grande partie n’a aucune connaissance pratique des manoeuvres les plus simples de l’art militaire ». Il y a de quoi s’inquiéter en effet puisqu’un grenadier a reçu un coup de baïonnette de la part d’un chasseur. « Des milices non formées peuvent se détruire elles-mêmes au lieu de frapper l’ennemi ». C’est pourquoi l’Assemblée Générale décida d’ouvrir une salle d’armes sous l’inspection de la municipalité.

Quelques temps après, la ville acheta son propre drapeau (un drapeau rouge, conformément au décret de
l’assemblée nationale du 6 août 1789) et 300 fusils et elle prit des mesures pour que « tous les habitants de la ville et faux-bourgs soient assujettis à la garde et aux patrouilles de nuit » faute de quoi ils seraient regardés « comme suspects et mauvais citoyens ». On retrouvera en février 1790 cette nécessité pour les habitants de participer à la garde-montée « fors les ci-devant privilégiés qui n’ont pas prêté le serment patriotique ». On peut lire dans cette délibération que « ne seront pas enrégimentés les ecclésiastiques, les veuves, les filles capitées en dessous de six livres ». Est-ce à dire que les femmes mariées devaient aussi participer à la garde de la ville ?

Pas de fêtes pour les pauvres

Le grand chamboulement patriotique qui se produisait à Versailles, les émeutes de Paris, le retour du Roi et de la Reine aux Tuileries, le vote par l’Assemblée d’une réforme judiciaire importante où la défense de l’accusé sera mieux organisée ...tout eut des retentissements dans le pays et jusqu’à Châteaubriant. Ce qui ne fit pas forcément l’affaire des petites gens obligés de ne pas travailler ces jours de fête.

Le 24 octobre 1789, Jean-Baptiste-Nicolas Méaulle déclara en effet : « dans un très court espace de temps, nous avons six fêtes à passer ; que de journées perdues pour les personnes qui gagnent leur pain à la sueur de leur front et qui n’ont de ressources que dans leurs salaires quotidiens. Le grand nombre des jours chaumables double les inquiétudes, les embarras et la misère des journaliers ».

C’est pourquoi l’Assemblée générale des habitants de Châteaubriant décida de distribuer une partie des fonds
destinés au soulagement des pauvres : du pain, de l’argent, du blé noir. « même aux pauvres honteux qui n’oseront se présenter, toutefois en s’assurant de leur capacité à bien en user ».

Le 20 novembre 1789 , deux religieux du Couvent des Trinitaires vinrent déposer à la mairie 4 chandeliers d’argent, 2 autres chandeliers et une croix d’argent, pour les pauvres dont le nombre, vu la disette des grains, ne faisait qu’augmenter. On acheta du riz et du blé noir dont on fit une large distribution.

Fresnais de Lévin

Le 18 janvier 1790, tous les « citoyens actifs » de Châteaubriant se réunirent à l’hôtel de Ville (situé toujours place St Nicolas, dans la Maison Guérin) pour élire une nouvelle municipalité. La procédure était longue et compliquée, il fallait former un bureau pour attester de la régularité des élections. La prestation de serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi tenait aussi une bonne place dans ces assises populaires ! Ce jour-là, sur 434 citoyens actifs, 230 personnes votèrent, de 8 heures du matin à 10 heures et demi du soir, et Fresnais de Lévin fut élu maire tandis que Méaulle était élu procureur de la ville.

21 janvier 1790, un comité de subsistance fut formé pour distribuer chaque mois de l’argent aux pauvres.

La municipalité, qui n’en avait plus parlé depuis bien longtemps, dut revenir aux choses concrètes : par exemple, le 4 février 1790 elle fit défense aux charrettes de passer par le chemin de la Vannerie à venir de la Poterne, car il y avait des travaux à faire de toute urgence.

Défense aux femmes ...

Le 9 février 1790, le corps municipal se transforma en tribunal de police pour régler un différend entre deux voisins, un tisserand et un cordonnier, qui en étaient venus aux mains : un seau d’eau avait été jeté à la figure de l’un, l’autreavait été jeté par terre, les femmes s’en étaient mêlées en échangeant des injures. Des témoins furent appelés, et letisserand fut reconnu coupable et condamné à passer 12 heures « dans la salle de discipline » tandis qu’il était fait « défense expresse aux femmes de s’injurier désormais sous peine de punition exemplaire ». Comme quoi, maintenir la tranquillité publique n’était pas une tâche de tout repos.

Serment patriotique

12 février 1790, le peuple ayant pris goût aux libertés et se méfiant des « ci-devant privilégiés » leur demanda de prouver leur patriotisme (on était très patriotes en ce temps-là). Ce 12 février 1790 MM. de la Houssaye, Dufresne de Renac, Luette de la Pilorgerie, Duhamel de la Bothelière, vieilles familles castelbriantaises qui donnent encore leur nom à des maisons de la ville, furent admis à prêter le « serment patriotique » : ils jurèrent « de maintenir de tout leur pouvoir la constitution du royaume, d’être fidèles à la nation, à la Loy et au Roy, de porter toujours le signe de la liberté : la cocarde patriotique »

Le 21 février 1790, ce fut le tour du Régiment National « rangé en bataille sur la Place Neuve » (= l’actuelle Place de la Motte) de prêter le serment patriotique. « Braves militaires, le serment que vous allez faire a été prêté dans toutes les parties du royaume et c’est un moyen infaillible d’attacher de plus en plus les Français à la Constitution du Royaume » dit le maire Fresnais de Lévin. Après quoi chaque Garde national dit « Je le jure » et tout le monde se porta vers la chapelle St Nicolas pour un Te Deum solennel. Il y eut un feu de joie, à la satisfaction générale, avec les cris réitérés de « Vive le Roy »

Le pain et la chandelle

Mais la municipalité avait d’autres soucis : il s’agissait de fixer le prix du pain, de la viande de boucherie pendant le carême, « de procurer la propreté des rues à tous les habitants », (d’obliger les habitants à balayer devant chez eux), d’assurer la sûreté publique pendant les jours de Carnaval. Il fut défendu « les déguisements et mascarades qui ne conviennent pas à des citoyens honnêtes ni à des hommes libres et qui sont contraires aux bonnes moeurs »

La municipalité réglementa aussi la fabrication du pain, « demandant de ne faire que deux sortes de pain de froment rouge, à savoir du pain métail avec toute sa fleur » . Il faut croire que la fabrication de ce pain ne devait pas être évidente puisqu’un boulanger vint, le 19 février 1790, demander un essai pour les deux sortes de pain, et des commissaires pour le surveiller !

Il s’agissait aussi de payer à « Julie Bongrain » l’huile des « réverbaires », ce qui n’avait pas été fait depuis
presque un an, de lui payer aussi la chandelle fournie à la Maison de Ville, et de dédommager la demoiselle Lorette pour le port des lettres et paquets adressés à la municipalité. Il fallut acheter une corde de bois pour le chauffage de la Garde, et même de la « fisselle » pour afficher les avis municipaux.

Pas de pot pour la Garde

Et puis il fallut faire face à un trafic de boisseaux de sel arrivés illégalement à Châteaubriant, à des fraudes sur les boissons, et même à un trafic de tabac . Un soir, La Garde Nationale qui assurait la sécurité nocturne, repéra deux individus qu’elle ne connaissait pas, et qui se trouvaient dans la rue à onze heures du soir. Les interrogeant, elle apprit qu’ils étaient marchands à St Malo et elle les raccompagna à leur auberge. Mais voilà qu’elle les retrouva à minuit en compagnie d’un Castelbriantais, le sieur Aubry qui avait un jardin Faubourg de la Torche. Le caporal jugea que la situation était louche et demanda donc à se rendre au jardin du sieur Aubry.
Celui-ci accepta mais offrit d’abord un pot d’eau de vie aux Gardes , « ce qui nous a donné lieu de soupçonner qu’il pouvait y avoir de la fraude dans son jardin ». La Garde refusa de boire un coup et dans le jardin, « dans un quarré de choux » elle trouva 41 pièces de tabac. Mais le dénommé Aubry se débattit, allant jusqu’à « donner un coup de poing au caporal qui est tombé par terre ». Il voulut prendre la fuite mais il fut rattrapé. Force est restée à la loi.

Rumeurs

Le 18 février 1790, le maire Fresnais de Lévin annonça à l’assemblée des citoyens que certains d’entre eux lui
avaient fait part « de bruits vagues, vrais ou faux, de l’arrivée prochaine d’une troupe armée ». Le maire n’apprécia pas ces rumeurs qui lui parurent infondées, mais demanda quand même à la Garde Nationale un redoublement de zèle. Il alla plus loin : « Je requiers que les auteurs des bruits soient mandés en cet hôtel (de ville) pour être entendus et jugés » ... Tiens donc !

Elections au District

Le 6 mai 1790, les délégués des communes se réunirent à Nantes pour choisir les administrateurs des districts.
C’est ainsi que le maire, Fresnais de Lévin, et deux autres personnes furent nommés à ces postes. Méaulle, lui, fut nommé au département. Il fallut donc procéder à leur remplacement. C’est ainsi que Margat fut élu maire et Augeard procureur, en remplacement de Méaulle (le procureur était chargé de faire le lien entre les contribuables et le roi).

Il fallut aussi élire des « Juges du District » et leur trouver un siège à Châteaubriant. Le 30 novembre 1790, après la messe du St Esprit à la Chapelle St Nicolas, où « le doyen Bedard chanta le Veni Creator », la municipalité se transporta « dans la salle de l’auditoire de la ci-devant Baronnie » (c’est-à-dire à La Porte Neuve) « dont elle se fit ouvrir la porte en constatant que le sceau que nous y avions fait apposer était entier ». L’inventaire des papiers de la Baronnie fut fait le 16 décembre 1790.

Offrandes à la Nation

En septembre 1789 l’Assemblée Nationale avait institué les « contributions patriotiques ». Ces dons débutèrent fort joliment. Des « dames de peintres », Mmes Fragonard, David, Vernet et Gérard, vinrent offrir leurs bijoux à l’Assemblée. « Elles étaient en robe blanche, sans parure, sans faste, mais ornées de cette belle simplicité qui caractérise la vertu » écrivit un journal à l’époque.

12 juillet 1790, l’Assemblée Nationale vota la Constitution civile du Clergé, non sans discussions , certains membres estimant qu’il était impossible de bouleverser ainsi la vie de l’Eglise sans la consulter et s’entendre avec elle. La France fut donc divisée en 83 diocèses, avec des évêques élus par les assemblées électorales de département, logés et recevant un traitement. Le décret n’arriva à Châteaubriant que le 31 décembre 1790 et provoqua une réaction d’humeur.

14 juillet 1790, ce fut la fête de la fédération, une des plus belles journées de l’Histoire de France, une foule
immense, un étonnant sentiment de fraternité. Le soir on dansa, on s’embrassa. Du moins à Paris. On n’en trouve pas trace dans les registres de Châteaubriant .

Le 14 août 1790 les officiers municipaux furent autorisés à acquérir ce qu’on appelait alors « les biens nationaux ». La municipalité se demanda si « l’école charitable » de Châteaubriant faisait partie de ces biens nationaux. Elle résolut donc d’aller la visiter mais elle se heurta « à une troupe de femmes, postées de manière astucieuse, armées de pierres et de bâtons ». Il fallut faire appel à la maréchaussée de la ville pour calmer les esprits et finalement la visite se fit paisiblement.

Par ailleurs, la municipalité avait désormais autorité sur l’hôpital qu’elle trouva « dans un état déplorable, tant par le grand nombre de pauvres qui y vagabondent que par le refroidissement des aumônes »

Ateliers de charité

Le 5 octobre 1790, la municipalité chercha des moyens « pour soulager la classe indigente de cette ville et paroisse » et décida d’établir, pour l’hiver, des ateliers de charité pour faire effectuer les travaux les plus urgents. Mais quels travaux ? Le 8 décembre 1790 on décida le « currement de la Douve du Champ de Foire » : on dirait maintenant le curage de la douve qui séparait la Place de la Motte des murailles de la ville. Donc il s’agissait de curer le ruisseau, « de la voûte de la Porte Neuve jusqu’à l’arche de l’Eperon (1) pour rétablir l’ancien cours des eaux qui baignaient le mur de ville et emportaient les immondices » . Il fut décidé que « les ouvriers seront payés 12 sous par jour, les vieillards le même prix, et les enfants de 10 à 14 ans, six sous par jour et que le paiement aura lieu tous les dimanches à 9 heures du matin ».

Par ailleurs, il fut interdit à quiconque de jeter des décombres dans les douves, ni autre chose qui puisse interrompre le cours des eaux. « Le ruisseau aura une largeur d’au moins 6 pieds (soit 2 mètres environ), les terres et les pierres provenant des dits currements seront employés à combler les douves de la Sablonnière ».
[Une petite explication : cette Sablonnière se trouvait en face de la Tour du Four, près de la Motte St Nicolas, à
l’emplacement de ce qui est, de nos jours, l’école Nazareth]

La carrière de Sable en 1763

Il fut aussi envisagé, pour plus tard, le comblement des douves du château « qui sont de vrais précipices le long du grand chemin d’Angers, à la sortie de la Porte St Michel » . C’était d’autant plus nécessaire que « plusieurs voitures y sont déjà tombées »

Révolte

Cet atelier de charité comporta plus d’une centaine d’ouvriers qui, un jour, se révoltèrent, abandonnant les travaux en cours, Place de la Motte, pour se porter vers les douves du château. Quand on leur demanda raison de cette soudaine révolte, ils répondirent qu’ils craignaient d’être renvoyés à la fin des travaux de la Place de la Motte. Pas fous, en laissant en plan les travaux de la Place, ils pensaient garantir leur maigre salaire.

Les exigences de la démocratie

En 1790, dans la fraîcheur d’une révolution toute neuve, on se réunissait très fréquemment, le matin à 8 heures ou 9 heures, et à « deux heures de relevée » (rappelons qu’il fallait s’éclairer à la lumière du jour pour économiser les chandelles).

Et puis on attachait beaucoup d’importance aux aspects formels de la démocratie. Voici par exemple comment s’est passée, le 14 novembre 1790, l’élection de 4 officiers municipaux et de neuf notables.

On choisit d’abord un président par scrutin individuel. Ce fut Margat, élu avec 86 voix. Puis on choisit de même un secrétaire. Ce fut Méaulle, avec 81 voix. Ensuite on élit des scrutateurs qui se placèrent au bureau. Mais pour ce faire, on multiplia les mises en garde : « Vous jurez de ne choisir qu’en votre âme et conscience les plus dignes de la confiance publique et de n’avoir été déterminé ni par sollicitations, promesses ou menaces ou autres mauvais motifs ». Cette formule était écrite en gros caractères et placée « à côté du vase du scrutin et chaque membre posait son bulletin en levant la main et en disant : je le jure ».

Une fois ainsi choisis le président, le secrétaire et les scrutateurs, l’assemblée put élire les 4 officiers municipaux et les 9 notables et tous jurèrent « d’être fidèles à la nation, à la loi et au Roy, et de remplir avec zèle et courage les fonctions civiles et politiques qui viennent de leur être confiées ».

Plus d’octroi

Le 31 octobre 1790, toutes les douanes intérieures, tous les octrois furent supprimés. « Octroi » a la même racine que le mot « octroyer » qui veut dire « autoriser ». L’octroi consistait à autoriser certaines marchandises à entrer en ville, moyennant une contribution financière, un droit d’entrée. Ces « deniers d’octroi » ont servi à bien des choses à Châteaubriant, à construire l’hôpital, à verser une contribution au régent du collège, à faire diverses réparations en ville. Leur disparition augmenta les soucis financiers de la ville.

Un bureau de paix

Le 16 novembre 1790, on élit un juge de paix pour Châteaubriant et son canton, on forma un « cahier de pétition relatives à l’intérêt commun » et on décida de mettre en place un « bureau de paix, de conciliation et de jurisprudence charitable », lequel bureau demanda que la municipalité lui fournisse un bureau fermant à clef, des chaises et autres ustensiles nécessaires, du bois, des chandelles, du papier et les registres des décrets et autres pièces relatives à ces fonctions.

Le lieu des séances fut fixé au deuxième appartement de l’Hôtel Commun, c’est-à-dire dans la Maison du sieur
Guérin. Ce dernier essaya de récupérer sa maison mais sa requête fut jugée maladroite et repoussée. L’Hôtel de Ville resta donc « dans la Maison Guérin » jusqu’en 1794.

Le 18 décembre 1790, Ernoul fut installé Juge de paix et il prononça un si beau discours que l’Assemblée décida de le recopier sur le cahier des délibérations. Il dit « qu’il espérait à l’aide des lumières de ses dignes collègues, faire tous ses efforts pour être indulgent conciliateur et médiateur toujours disposé à faire régner parmi tous les concitoyens l’esprit de fraternité, harmonie, concorde et paix ».

Le serment du clergé

L’assemblée nationale décréta le 27 novembre 1790 que tous les membres du Clergé devaient prononcer le serment de fidélité à la nation, à la loi et au Roi, faute de quoi ils seraient remplacés. Alors que ce serment paraissait anodin, il mit le feu aux poudres. Les citoyens actifs de Châteaubriant firent alors preuve d’une évidente mauvaise humeur : nous le verrons le 23 janvier 1791.

Réverbaire

Comme on le voit, les archives de l’année 1790 ne révèlent pas beaucoup d’intérêt des citoyens pour les aspects matériels de leur vie. Le Corps municipal était très occupé par les aspects patriotiques de la Révolution en marche.

On trouve juste une petite note, en décembre 1790 sur la Grand Rue « où il y a trois réverbaires tandis que d’autres parties de la ville ne sont point éclairées ». Il fut alors décidé de déplacer celui qui se trouvait « près de la porte de la Cour de la Coquerie » pour le placer à l’entrée de la Basse Rue et d’installer un troisième bec.

Municipalités, Districts, Départements

C’est le 14 décembre 1789 que l’Assemblée Nationale prit un décret « pour la constitution des municipalités ».
Toutes les agglomérations d’habitants, grandes ou petites, devaient porter ce titre de Municipalité et toute autre dénomination était abolie.

15 janvier 1790, l’Assemblée Nationale créa en France 83 départements. Au début la région de Châteaubriant fit partie de l’Ille et Vilaine mais finalement fut rattachée à la Loire-Inférieure. Les départements furent partagés en districts (on dirait maintenant des arrondissements). Le canton n’était que le siège d’une justice de paix. Châteaubriant (3600 habitants) fut chef lieu d’un district qui comportait environ 33 000 habitants répartis en 27 communes et 8 cantons. L’Assemblée Nationale réserva le droit de vote aux « citoyens actifs » c’est-à-dire payant au moins 3 livres d’impôts annuels et inscrits à la garde nationale. Ainsi étaient exclus les plus pauvres (40 % des hommes) et les femmes.

D’après ce même décret du 15 janvier 1790, les municipalités devaient être administrées par un Conseil Général, réunissant des notables et un corps municipal. Celui-ci se compose du maire et du procureur de la commune qui doit défendre les intérêts de sa localité.

Biens Nationaux

Mais les impôts, de quelque nom qu’on les baptise, sont toujours impopulaires. A Châteaubriant l’on se réjouit de voir la Municipalité décider d’imposer le Prince de Condé comme les autres (même s’il avait déjà émigré à l’étranger) et de faire une estimation de ses biens. Mais les simples citoyens tardaient à déclarer leurs revenus.

Le 22 juin 1790 la municipalité dut menacer les contrevenants de taxation d’office et renouvela la demande
d’offrande à la patrie, invitant les bons citoyens « à imiter de tout leur pouvoir le zèle et le dévouement patriotique qui se sont manifestés dans tout le royaume ».

La Nation, elle, avait trouvé d’autres moyens de faire rentrer de l’argent : le 2 novembre 1789, l’Assemblée Nationale avait décidé que les biens ecclésiastiques seraient mis à la disposition de la nation (en échange de quoi l’Etat pourvoirait aux frais du culte). A Châteaubriant, les Trinitaires furent les premiers à faire leur déclaration, le 9 février 1790, suivis de quelques autres religieux ou dépositaires des biens de l’église (du Couvent St Sauveur par exemple).

On peut dire que cela ne leur porta pas chance : le 13 février 1790 l’Assemblée Nationale supprima le « clergé
régulier » c’est-à-dire les monastères. A Châteaubriant il ne restait plus que deux Trinitaires qui quittèrent la ville en 1791.

La Constitution Civile du Clergé

Le Haut Clergé, à l’égal de la Noblesse, avait joué un rôle important sous l’Ancien Régime. Il n’est donc pas étonnant que la Révolution ait voulu changer les choses. La Constitution civile du Clergé, votée le 12 juillet 1790 par l’Assemblée Constituante, fut inspirée par un esprit à la fois gallican et démocratique. Gallicanisme : elle prétendait établir l’indépendance de l’Eglise de France vis-à-vis du Saint Siège. Démocratie : la France était divisée en 83 diocèses, un par département. Les curés et évêques devenaient des salariés de la nation, le curé étant élu par l’assemblée électorale du district, l’évêque par celle du département. Ainsi l’évêque n’était plus institué par le pape.

L’attitude de Pie VI fut d’abord indécise et Louis XVI, malgré ses scrupules, signa la Constitution Civile du Clergé le 24 août 1789.

Devant les protestations de la plupart des prélats français, (qui étaient du côté des privilégiés), l’Assemblée
Constituante décida de passer en force et, le 27 novembre 1790, elle décida que tous les curés et évêques en
exercice devaient, dans les 8 jours, prêter serment à la Constitution Civile, sous peine d’être destitués. Quatre
évêques sur 130 et une minorité du Bas Clergé acceptèrent le serment, ce qui divisa le Clergé de France entre
prêtres « jureurs » (ou assermentés) et « prêtres réfractaires ». Même des prêtres, comme le Doyen Bedard, curé de St Jean de Béré, jusque-là favorable à la Révolution, se rangèrent du côté des « réfractaires ».

La Constitution Civile du Clergé fut condamnée par Pie VI le 13 avril 1791. Elle devait être abrogée dix ans plus tard par le Concordat de 1801.

Les écrivains de la Révolution

La génération des écrivains de la Révolution illustre la devise des Lumières, formulée en 1784 par le philosophe Emmanuel Kant : « Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ».
Avant même les événements de 1789, le Mariage de Figaro, de Beaumarchais, revendiqua la liberté de blâmer, la reconnaissance du mérite individuel et plus généralement le droit au bonheur.

Dans les premières années de la Révolution, quand la censure fut interdite par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme, la littérature manifesta le désir d’informer et d’éduquer mais surtout un esprit de révolte, contre l’ordre social, contre les valeurs de l’Ancien Régime, et parfois contre la Révolution elle-même. On trouva tout et son contraire, le libertinage du Marquis de Sade, ou des Liaisons dangereuses de Laclos, comme les aspirations à la vertu de Marie-Joseph Chénier.

En instituant la liberté comme le premier des droits, la Révolution apporta la libération de la parole. Les Cahiers de doléances avaient fait entendre la voix des revendications populaires. La période révolutionnaire connut un foisonnement de discussions et de débats et l’épanouissement d’une floraison d’académies, de clubs, de sociétés comme la Société des Amis de la Constitution à Châteaubriant comme ailleurs. La Liberté de la Presse répandit la passion politique auprès d’une population de plus en plus large. Désormais, avec l’entrée en scène du journalisme politique, il fallut compter avec une nouvelle force, un nouveau pouvoir : celui de l’opinion publique.

Droits féodaux

Réclamation du district de Châteaubriant sur le rachat des droits déodaux - 9 octobre 1790 . A la suite d’une grande jacquerie dans les campagnes, et ne pouvant résister au torrent révolutionnaire, "l’Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal" (vote du 4 août 1789) et répond ici à l’attente paysanne ... mais elle décide en même temps le rachat des droits féodaux : les paysans devront indemniser le seigneur.

Le 15 mars 1790 est pris le décret d’application de la loi du 4 août 1789 . "Forcés par le cri public" les électeurs du District de Châteaubriant protestent contre le rachat des droits féodaux en écrivant : "Au moment qu’il se flattait de voir tomber ses chaînes, le peuple bénissait déjà le noble courage de ses libérateurs. Quels ont été, Messieurs, son effroi et sa douleur quand il a senti que les fers devenaient indissolubles, que les moyens de se soustraire au joug affreux de l’injuste et humiliante féodalité, lui étaient impraticables"

Sur les droits féodaux, voir le document : http://pm.lasseron.free.fr/rev89/privileg.htm
Sur la jacquerie voir le document : http://revolution-francaise.net
Sur le décret du 4 août 1789 voir le document http://www.chd.univ-rennes1.fr

Post-scriptum :
(1)Le Boulevard de l’Eperon, aménagé sur les anciennes douves, à l’ouest du mur de ville, s’appelle maintenant « Boulevard Victor Hugo »

1789-1790 - Châteaubriant

Texte 1789-1790

Page précédente - page suivante