Dans ce pays pauvre, qu’on appelle Le Pays de Châteaubriant, à côté du luxe des chatelains et seigneurs, les gens vivaient pauvrement . Les seules distractions étaient les fêtes religieuses, pélerinages et processions, la traditionnelle Foire de Béré et les veillées qui réunissaient les gens d’un même village autour de l’âtre où brülait une bonne fouée de menues racines. Là se racontaient les contes et légendes du Pays de Châteaubriant. (écrit en juin 1991).
LA BÊTE DE BÉRÉ
La Bête de Béré prend parfois l’apparence d’un chien aux longs poils gris ou noirs . Ou celle d’un porc vautré au creux d’un fossé et grognant à votre approche. D’autres fois elle semble un chat jucqué sur les héris à pourceaux, ou un poulain au galop inégal, ou une bique qui dévale d’un talus, les tétines trainant par terre. Marie Glédel, après son Credo, vous en parlera “Je la vis qui s’apparut à moi, comme je sortais. Elle était grosse, grosse et toute noire . Elle se mit à me suivre et à courir après moi ; que j’arrivis tout essouflée chez le gars Jean qui vint me reconduire : pourquoi je lui donnis un de mes bonbons, tant j’avais peur !" . Il faut la croire, Marie Glédel. Ce n’est pas une fanatique ni une visionnaire.
Et puis, Marie Guérin, de la Mercerie, la vit aussi un soir. "La Bête parlait et menaçait. Ce jour-là elle était blanche, bien longue, et grande comme un gros chien". Une autre fois, c’est Yvon Gérard, un fort gaillard de la Bricaudière , qui l’a rencontrée, à l’autre bout du pont rustique sur la Chère, à hauteur du Moulin Neuf : un gros mouton gris semblait disposer à lui barrer le passage. L’homme et la Bête luttèrent longtemps, au corps à corps, jusqu’à ce qu’ils arrivent à une sorte d’échalier contre laquelle la Bête acculée ne pouvait se mouvoir. "Tu m’as vaincue aujourd’hui. Lâche moi donc. Mais que je ne te trouve pas une autre fois sur mon passage, et garde-toi de sortir après le soleil couché" lui dit-elle avant de disparaitre. Quelques temps après, le téméraire Yvon en mourut, de fatigue et de terreur, plus que de maladie .
La Bête de Béré se promène souvent dans les carrois des cantons. Et qu’importe si ces carrefours s’appellent Allée des Soupirs, Rond des Dames ou Avenue de la Comtesse : la Bête de Béré ne respecte rien. On la trouve même blottie au pied des croix, attendant ceux qui, enhardis par les fumées du cidre, la cherchent pour se mesurer avec elle. Noël Biton, le bûcheron de la Forêt Pavée, un charbonnier d’une force et d’une taille peu ordinaires, en perdit la voix et rentra chez lui, ruisselant de sueur et les membres brisés. Huit jours après il était mort.
Peu d’hommes ont réussi à lui échapper quand elle voulait les noyer dans le ruisseau de la Galissonnière, ou dans l’étang de la Courbetière, ou dans une simple mare. Une fois, il y a fort longtemps, les hommes de la Brichetière, de Montbarron, et du Petit Chêne, en Issé, se réunirent un soir, armés de fourches, de faulx et de hansards. Avec des scapulaires au cou, des chapelets dans les poches et du romarin bénit à leur chapeau, ils allaient chasser cette bête fantastique, qui tous les soirs poussait des cris et des hurlements et passait son museau par dessus le husset pour voir dans les maisons. Ils étaient une douzaine, réconfortés par quelques gouttes d’eau de vie de cidre : ils ont couru toute la nuit, d’un bout de la commune à l’autre, des cris épouvantables venaient de tous côtés à la fois. La Bête était ici, et là-bas en même temps, les menant à travers haies, fossés et échaliers, du Petit-Chêne aux Rottes-Besniers, des Voyettes-Pineau au pré du Quenard, du moulin de Montbarron ou l’Hôtel Jublin, et toujours ainsi.
Du côté de la Quoue-de-l’Eau et de la Fontaine-à-Madame, les chasseurs attendaient, immobiles, les mains crispés sur le manche de leurs fourches, les yeux dans toutes les directions, quand un hurlement formidable, épouvantable, qui emplit toute la calotte du ciel, partit de dessous leurs pieds. Terrorisés, les paysans s’enfuirent.
Il faut tout de même dire que, parfois, la Bête de Béré se montrait conciliante. Elle ne fit qu’accompagner Pierre Roul, de la Guimorais en Meilleraye. Pendant un an, elle fit tous les voyages de Châteaubriant à Nantes dans l’un des paniers de la charrette de Julien Salmon.
De tous ceux qui s’affrontèrent à la Bête, le plus célèbre est le gas Renaud Houlard, de la Palissonnière, La Bête le terrassa si rudement qu’il chut sur le sol dur et déchira au genou son pantalon. Mais contrairement aux autres, il vécut longtemps après et conserva comme une relique le pantalon qu’il portait ce soir-là.
Adoncques-maintenant, si vous passez le soir par quelque chemin creux, qu’il fasse nuit ou pleine lune, ne vous achommez point trop si vous trouvez la Bête à carbi-carbaud sur un pont ou un pâlis, car tous ceux qui ont lutté contre elle s’en sont trouvé vaincus, meurtris, navrés .
BRASDANE LE GAROU
La forêt de Domnesche, dit-on, recelait de féroces loups-tigres qui s’attaquaient aux bücherons et aux promeneurs, surtout aux enfants . Mais il est dans la région une autre sorte de loups, plus malins, plus solitaires : ce sont les garous . Homme le jour, le garou ne devient loup qu’à la nuit, entre l’Angelus du soir et celui du matin.
Le garou est un peu sorcier, s’enduisant le corps d’un onguent, quand la nuit est venue. L’onction, progressivement, opère le maléfice, et le garou peut s’échapper dans les forêts, landes et taillis, prairies et moissons. De l’homme il garde la pensée et la parole. Du loup il prend l’avidité, la cruauté, le goût de courir des lieues et des lieues la même nuit sans fatigue .
Le plus célèbre était Joson Brasdane qui habitait sur les landes du Druillays. Dans ses courses nocturnes, il aimait faire le tour de la forêt de Juigné, se désaltérer dans la Chère, et rejoindre son ami de Carbay qui garouyait comme lui. Souvent, il se rendait au village de l’Alleud en Soudan, pour y faire peur à un paysan, Tennerel, qui avait dénoncé son pouvoir. "il allait donc à cette métairie hurler sous les hussets ou par le haut des cheminées, en montant par les escaliers de pierre qui vont aux chambres hautes, et les gens apelotonnés sous les couvertures, se mouraient de peur aux hurlements de la bête nocturne" , ‘raconte Joseph Chapron, un historien de notre région qui sait de quoi il parle .
La grand-peur des garous est double : d’abord de n’être pas rentré avant l’Angélus du Matin et de ne pas retrouver à temps l’ingrédient “l’électuaire à faire revenir" ; ensuite de mourir lors d’une course de qarouyage car s’il meurt dans la peau d’un loup, c’en est fait de son salut éternel. Joson Brasdane, le garou, mourut ainsi une nuit, abattu par Tennerel qui avait chargé son fusil de balles bénites .
LE VELIN DE TOULON
Si vous passez du côté de Treffieux ou d’Issé, prenez bien garde de ne pas déranger le Serpent de la Forêt Pavée. Fait-il sept mètres ? A-t-il sept têtes ? Il n’est pas recommandé de chercher à en savoir davantage car le monstre, domicilié en l’Etang-Neuf s’amuse à poser d’extravagantes questions aux gens qu’il rencontre et à gober d’un seul coup tous ceux qui n’apportent pas la réponse qu’il désire .
Méfiez-vous aussi des velins qui pullulent dans les bois et souvenez-vous de la mésaventure de ce bücheron qui, un jour voulut en débarrasser les bois de la Croix Merhan, entre Nozay et Marsac : un à un il les appela, par leur nom, mais il eut le malheur d’en oublier un, caché dessous les fascines ; celui-ci, pour venger la mort de ses congénères, poursuivit le bücheron jusqu’au moulin à vent de Toulon, près de la route de Puceul. Le bonhomme était là, barricadé, incapable de sortir. Pour sauver sa vie, il consentit à donner au monstre quelques gouttes de son sang. Il passa donc un orteil par la chatière de la porte et le serpent put ainsi se gaver du sang de l’homme, qu’il laissa pour mort.
LE GEAY DE LOUISFERT
Il est heureusement, dans la région de Châteaubriant, d’autres animaux, ni fantastiques, ni méchants, et qui prêtent plutôt à rire. L’un est le geay de Louisfert. L’autre est "le bon dieu de Villepôt"
A Louisfert un soir, le sacristain venu sonner l’Angélus, fut fort surpris d’entendre l’un des saints de bois de l’église jurer et sacrer comme un vieux charroyeur. Scandalisé, il s’en fut trouver le curé, qui crut aussi que le démon s’était logé dans le corps du vieux saint. Avec force prières d’exorcisation, à grands coups de goupillon et d’eau bénite, le curé et le sacrite aspergèrent l’immonde. Jusqu’au moment où, trempé, guené, touillé, le geai qui était caché dans la niche du saint , prit le parti de s’envoler . C’était un geai à qui son propriétaire avait appris à dire de bien vilaines choses. Depuis on dit dans le pays : “malappris comme le geay de Louisfert’ ou "mal caché comme le geay de Louisfert". C’est selon.
Le Bon Dieu de Villepôt
Le Bon Dieu de Villepôt, c’est une autre histoire. On raconte qu’une vieille fille un jour (encore une histoire de vieille fille) en train de déplacer la poussière dans l’église, fit s’envoler sous ses yeux apeurés, rien moins que le St Esprit ! Sans doute quelque pigeon ou quelque colombe qui s’était introduit dans le saint édifice. On dit désormais, de quelqu’un qui disparait soudainement : "il à faré comme le bon dieu de Villepôt"
GUENAUDS et GAUROUS
Les animaux, dans le légendaire castelbriantais, tiennent une place importante. Ne dit-on pas que les filles, lorsqu’elles restent filles, en sont réduites à chouetter après leur mort, toutes les nuits, dans le brou des vieilles teroënes (émondes)
Ne dit-on pas que les lâches, les vaniteux, les présomptueux, se changent en daims, en antilopes, en cerfs dans la forêt de Teillay, cependant que les fourbes et les envieux deviennent des renards et des chacals décharnés, condamnés à guetter sans fin des proies insaisissables ?
Ne dit-on pas que les hommes avides, cruels et orgueilleux se réincarnent dans la peau de loups affamés, de tigres altérés, de lions à la crinière de flammes ? C’est l’Abbé Goudé qui dit cela. Et il sait de quoi il parle .
Car ce pays castelbriantais est un pays de sorciers, de guenauds et de gaurous comme on dit . Beaucoup de gens pratiquent encore la sorcellerie ou font croire qu’il ont passé un pacte avec le malin. Îl n’est guère de contrée qui n’ait son sorcier, son devin, son juge-à-l’eau.
Qu’on se souvienne par exemple du sorcier d’Auverné, le père Mignot on le disait. "Ah, il ne fallait pas se mettre mal avec lui ! I ! était d’un caractère sauvage ruffage comme on dit par ici et ne frayait guère avec les bourgassins, qu’il n’aimait pas. Malgré cela très complaisant quand ça lui disait, et toujours au chevet des grabataires et des égrotants, qu’il soulageaïit de ses conseils et de ses remèdes" dit Joseph Chapron. Il prescrivait du fiel de sang-noir contre le haut-mal, et des frictions de sang de tourtre contre les hémorroïdes, il délivrait les femmes du cancer en suspendant au dessus de leur lit un lapin écorché dans lequel il faisait passer le mal et il n’hésitait pas, pour guérir les maux de tête, à éventrer un pigeon vivant et à l’appliquer tout chaud et tout saignant sur le crâne de la personne malade.
Mais gare à ceux qu’il n’aimait pas : les vaches de celui-là ne donnaient pas de beurre ; les chevaux de celui-ci s’enclouaient ; les ouailles de cet autre étaient pleines de taraches qui les épuisaient en leur suçant le sang . Quant au gas de Fontaine-Fermée, qui s’était moqué de lui en le traitant de vieux garouaud, il en eut l’aiguillette nouée pendant les premiers jours de son mariage. Comprenne qui pourra .
LA CHASSE HENNEQUINE
L’hiver, le père Mignot passait ses nuits à la chasse hennequine. C’était une spirale immense d’animaux et d’oiseaux fantastiques, chevauchés par des sorciers et des magiciens, qui se transportait dans l’espace parmi les cris, les hurlements, sifflements, claquements et battements d’ailes. Les chiens de la région entraient aussi dans la danse. Les esprits forts prétendent que ces bruits étaient produits par le passage de troupes considérables d’oiseaux migrateurs. Mais ce n’est pas vrai. La preuve ? N’avez-vous pas vu revenir les chiens, après une nuit de chasse hennequine, amaigris, épuisés, parfois même avec le poil grillé par endroits ?
Châteaubriant était aussi une terre à trésors, comme il en existe partout où il y a de vieux châteaux, des buttes de terre, des menhirs, des dolmens . On croit qu’il y en a eu dans le donjon du Château de Châteaubriant, sous le château du Bé à Nozay, sous les ombrages du chataignier des Nonneries à Abbaretz, sous la butte du Buron à Issé, sous l’ancien camp de Moisdon la Rivière ou dans le vieux chatellier de Domnesche .
De tout temps, les paysans ont convoité ces richesses mais ne se sont pas enhardis à les prendre, de peur du diable . En effet, prenez garde si vous en trouvez un, car tout trésor confié à la terre reste seulement 30 ans en possession de celui qui l’a caché. Ensuite, s’il n’a pas été relevé, il passe pour 100 ans en la possession du Malin. Puis 30 ans encore à la postérité du premier possesseur, puis 100 ans au diable et ainsi de suite .
LE TRÉSOR DE LA PIETTE
De temps en temps, pour leur faire prendre l’air et le soleil qui fait briller les diamants, le diable fait surgir ses trésors à la surface de la terre. Qui aurait la chance de se trouver là devrait jeter dessus un objet bénit : mais on n’a pas toujours un objet bénit sous la main. Alors le diable donne à son trésor l’apparence de matière viles : tas de pommes pourries, morceaux de charbon, nœuds de vipères et grouillements de crapauds.
On dit qu’il y avait ainsi un magnifique trésor sous le dolmen qui se trouvait au centre du cromlech du Grée de la Piette en Petit-Auverné. Deux personnes l’ont vu, mais Grippatin lui-même, le diable en personne, empêcha qu’elles s’en saisissent. Depuis, des savants ont fouillé les lieux. Ils n’ont trouvé que des fragments de poterie. La diable avait sûrement trouvé une autre cache .
À Vioreau, ils étaient 21 à voir la merveille, trois poëlées pleines d’argent et d’or. Dans la troisième, il y ävait de l’argent en lames posées les unes sur les autres comme les barres de savon à la porte des épiciers, les jours de marché à Châteaubriant. Mais ne dit-on pas que Satanas en personne est intervenu et qu’il leur a proposé un marché : la jouissance pleine et entière du trésor en échange de la promesse d’appartenir corps et âme au diable . Les jeunes ont hésité. "alors commença dans la forêt une ventouse épouvantable, qui tordait et faisait péter les arbres, et qui glaça de terreur les 21 jeunes imprudents" raconte Joseph Chapron.
GRIPPATIN LE MALIN
À cette époque en effet, il n’était pas rare que le diable lui-même vienne s’occuper de ses affaires sur la terre. Trois jeunes filles cheminaient un jour non loin du château, entre la Goupillère et la Mercerie, faisant pélerinage vers la chapelle de la Malorais pour y obtenir, du bon St Mathurin, la guérison de leurs migraines. Elles arrivaient en vue de la Croix de la Bruère quand l’une dit : "Gageons que j’y arriverai la première" -"S’il plait à Dieu ce sera moi" dit la deuxième -"Qu’il plaise à Dieu ou au Diable, j’y serai avant vous" dit la troisième en plaisantant. Et les trois de courir le plus vite possible .
"M’y voilà" cria la troisième en touchant la croix. "Et moi aussi" dit le Diable en s’abattant sur elle comme un vautour. Et en même temps qu’il étouffait la pauvrette, "son souffle embrasé, se répandant au loin, desséchait la prairie. On l’appela désormais La Lande Brülée" dit l’Abbé Goudé .
C’est lui aussi, Grippatin le Malin, qui conseillait aux filles de répondre aux avances des jeunes seigneurs des environs. Une jeune villageoise de Béré l’écouta, c’était un soir d’octobre 1535, et se rendit folle et légère, à la Croix de Boute-Anon. Le lendemain on ne retrouva que ses sabots. Les uns dirent qu’elle avait été la proie d’un cruel ravisseur. Pour d’autres, c’est le diable lui-même qui l’avait emportée.
Prenez garde damoiselles, car même près d’une croix, le diable est tout puissant. Ne dit-on pas que "Désir de fille est un feu qui dévore" ? Il s’agit du feu éternel, il n’y a aucun doute là-dessus . Mais prenez garde aussi, beaux damoiseaux et jouvenceaux, prenez garde à la Nymphe des eaux qui joue dans l’Etang de la Primaudière. Elle est aussi fille du diable et saura, dangereuse sirène, vous entrainer vers le lieu de la perdition.
LA MESSE BLANCHE DE PERRINE RABU
S’il est des filles qui disparaissent, il est aussi des filles qui reviennent la nuit, quand tout le monde dort. Le jour aussi parfois, comme la Dame de Sion, en grand manteau blanc, spectre d’une cruelle marquise abattue par un braconnier, et qui fait, depuis, des misères aux gens de Fougeray en forêt de Teillay.
On a vu aussi, dans la Chapelle du Bois-Brient, à la limite des paroisses de St Aubin et de Béré, des choses extraordinaires : des chants s’y font entendre la nuit et des visions célestes s’y montrent aux yeux émerveillés des habitants. "La nuit de Noël, et les nuits d’été, nous voyions comme trois belles demoiselles, vêtues de robes blanches. Elle sortaient toujours du bois voisin et se dirigeaient vers la chapelle en chantant". C’était, dit-on, pour que les gens de la terre ne sombrent pas dans l’ingratitude et l’oubli .
Un semblable phénomène s’est produit dans le Val de Chère, aux alentours de Derval et Fougeray, aux approches de la Fête de tous les Saints. Fanchette, la domestique de la maison, une vieille fille d’une cinquantaine d’années, travaillait là, près de la fenêtre, à rapetasser des chausses. Elle songeait, somnelant quelque peu. Elle rêvait à la fille ainée du maitre, la bonne et douce Marie, qui s’en était allée il y a un an, emportée par le mal de poitrine. Soudain, dans les soubresauts de son sommeil assis, Fanchette se redressa, hébétée et entrouvrit les yeux. Tout près d’elle, blanche dans la pénombre, vaporeuse et intactile , c’était Marie qui lui souriait d’un air de souffrance : "Vous m’avez donc oubliée, tous ici ? Pendant ce temps, je souffre, car je suis en Purgatoire et j’y resteraitant que mes parents n’auront pas accompli le voeu fait lors de ma mort" dit-elle . Et pour que Fanchette puisse accréditer ses dires, Marie posa sa main, à plat sur la coëffe blanche de la servante. Cette coëffe, sur laquelle se voyait distinctement comme l’empreinte d’une main de feu, fut longtemps un objet de vénération parmi les commères. Quelqu’un sait-il ce qu’elle est devenue ?
Une autre fois, c’est un prêtre qui est revenu comme ça, la nuit, à St Jean de Béré. Un soir le sacriste, en fermant la porte de l’église, ne vit pas Perrine Rabu bien endormie à son habitude, disent les malvoulants !) au pied de l’hôtel de la Ste Vierge . Soudain, en entendant sonner minuit au beffroi du château, la vieille fille s’éveilla. Aux derniers coups de minuit, un prêtre aux cheveux blancs, vêtu d’ornements noirs, s’approcha pour dire la messe. Il sembla attendre un enfant de chœur, puis soupira et officia seul. Perrine, effrayée, conta son aventure au Recteur. Le prêtre, rempli de savoir et de bon jugement, comprit que c’était un prêtre défunt qui revenait ainsi, pour avoir omis, de son vivant, de dire une messe qui lui avait été payée pour un trépassé, et condamné à revenir toutes les nuits, jusqu’à ce qu’il se trouve un vivant pour lui répondre sa messe. Le sacriste se dévoua la nuit suivante .
Après l’oblation, le servant vit une auréole se former au-dessus de la tête du prêtre purgatorien, ouvrant ainsi la porte du Paradis .
C’est une histoire vraie, Perrine Rabu aurait pu vous le dire si elle n’était morte depuis. Mais vous pouvez me croire, comme vous pouvez croire à toutes les légendes que j’ai reprises plus haut. Car la légende, comme dit Georges Bernanos, ne fait pas qu’enchanter l’imagination des hommes, elle les défend, les protège et parfois les sauve. Les pays qui n’ont plus de légende seront condamnés à mourir de froid
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LES PREMIÈRES BRETONNES
Un pays s’étiole quand son âme a froid. Aussi longtemps que son passé historique et mythique vivra dans la mémoire collective de son peuple, la Bretagne aura chaud à l’âme et son rayonnement attestera de sa vitalité. Un livre tout récent "Les premières Bretonnes" s’attache à faire revivre l’histoire véridique ou légendaire de quelques unes de ces femmes de notre passé. L’ouvrage est une sorte de kaléidoscope qui les fait défiler devant notre regard en les situant en pleine lumière au milieu d’un riche décor. Morgane et Dahut, les filles de la mer, Keben et Katel les réprouvées, Brigit et Ana, les déesses celtiques, Judith de Nantes, la concubine d’Alain BarbeTorte Judith de Quimper, la mère du duc Hoël, La Duchesse Constance, mère du roi Arthur
Toutes ces femmes se sont donné rendez-vous dans cet ouvrage, avec un tableau chronologique et matrimonial des ducs et duchesses de Bretagne. Le style est enjoué, le ton est guilleret et plein d’humour, les clins d’œil au lecteur créent une connivence ...
“Les premières Bretonnes" livre de Théo TANIOU paru aux éditions Hérault
St AUBIN DU -EORMIER SENTINELEE DE LA BRETAGNE
En juillet 1988 a été célébré le cinq-centième anniversaire de la Bataille de St Aubin du Cormier, un drame où 6000 Bretons trouvèrent la mort pour défendre la liberté de la Bretagne, face aux envahisseurs venus de l’est. L’auteur, Yann Bouëssel du Bourg, brosse un rapide tableau de la Bretagne au XV° siècle et des convoitises dont elle était l’objet de la part du sinistre roi de France Louis XI puis, après lui, de sa non moins abominable fille Anne de Beaujeu . Il renseigne avec précision sur la composition de l’armée bretonne à l’époque et sur son armement. Il raconte l’invasion française, la prise du château, le grand combat entre l’armée bretonne et l’armée française. Il montre toutes les conséquences qu’a entrainées la défaite.
La Batterie
Serge JOUIN (auteur de l’ouvrage "Le Parler Gallo d’Abbaretz et d’ailleurs) nous signale la parution de cartes postales humoristiques intitulées "Le Gallo Peint". Les trois premières sont consacrées à LA BATTERIE D’ANTAN en Pays Gallo (1933), LA BOUCHAILLERIE en pays gallo 1935 , et LA PARTIE DE PALETS 1933 .
D’un dessin assez naïf, elles sont illustrées de "bulles" écrites en gallo, avec traduction française au verso de la carte. Ceux qui aiment la Bretagne Gallèse et ses activités d’antan, jeunes, touristes, collectionneurs, seront sûrement intéressés.
LE MOUSSE DE LA MARIE FIDELE
Il s’appelle Nicolas, Nicolas Larcher et il a 12 ans. Sa mère travaille dans une tannerie sur les bords de la Chézine. Son père est ouvrier calfat, employé dans un chantier naval à introduire "avec un fer de calfat semblable à un ciseau à froid émoussé" des cordons d’éloupe entre les joints des planches constituant la carène des navires.
Nicolas habite à Nantes, en 1774, dans le quartier du Marchix, Son rève, c’est de s’embarquer comme mousse sur les grands voiliers qui quittent les quais de Nantes vers les côtes d’Afrique. Un jour, le Capitaine Robin l’accepte.sur "La Marie-Fidèle" , un navire "négrier", un deux-mâts jaugeant plus de deux cents tonneaux, qui commerce dans "le Bois d’Ebène". Et c’est le grand départ par l’estuaire de la Loire. La rade des Quatre-Amarres à Paimbœuf, puis le Portugal, la rencontre avec les Chébecs, ces corsaires de Salé, l’escale aux Îles du Cap Vert, puis à l’Ile de Gorée à l’entrée de la rade de Dakar pour savoir où trouver des esclaves sur les côtes de Guinée . C’est alors que Nicolas découvre ce qu’est le commerce du Bois d’Ebène : les Noirs capturés et vendus comme esclaves, marqués au fer rouge comme du bétail, enchainés dans l’entre pont du navire dans "le parc aux esclaves".
Enfin, après six mois de cabotage sur la "Côte aux Esclaves" La Marie Fidèle met le cap sur St Domingue. avant les Celtes La révolte des esclaves, durement matée, la traversée de l’Atlantique en direction de la Mer des Caraïbes, la tempête en mer, l’attaque des pirates, Nicolas aura tout connu, y compris l’amitié du chirurgien du bord, un brave homme qui s’est embarqué à bord du navire négrier “pour tenter d’adoucir le sort de ces malheureux esclaves".
Après la vente des Noirs, Nicolas et son navire reviennent au port de Nantes... et nous avec, à l’issue d’un beau voyage conté par Jacques RAUX, un Moisdonnais désormais célèbre par ses talents de conteur . Le livre "Le Mousse de la Marie Fidèle", illustré de gouaches d’Edmond Bertreux, est tout à la fois un conte pour des jeunes, une description passionnante de Nantes il y a deux siècles, et une redécouverte de ce qu’était la traite des nègres. Jacques RAUX n’en a pas fait un conte noir, mais un récit tout en pudeur et haut en couleur, à mettre entre toutes les mains, celles de grands comme celles de petits.
L’Armorique avant les Celtes
La luxueuse et passionnante revue "Ar Men" continue sa quête de tout ce qui, en Bretagne, est à découvrir, Ce moisci : les "jardins pour vivre“ d’Erwan Tymen près de Quimper, le poète Georges Perros, l’architecture de terre en Bretagne, et les peintures de Jules Noël qui constituent un précieux témoignage sur la Bretagne du siècle dernier . A signaler particulièrement un article de Jacques Briard, directeur de recherches au CNRS , sur ‘Les Princes guerriers et métallurgistes", c’est-à-dire sur la vie des hommes qui peuplaient l’Armorique avant l’arrivée des Celtes. L’âge du Bronze (2000 800 avant jésus-christ) a laissé de magnifiques objets comme ce char solaire de 60 cm de long que l’on a pu voir à l’exposition de Daoulas, avec des pendentifs en or, des perles en pâte de verre, des haches à talon et des épées à langue de carpe , à côté des torques, bracelets, gobelets et objets cultuels .
L’AUBEPINE DE MAI
Des livres fort savants ont disserté sur ce qui s’est passé en Mai 68. Le livre que publie François LE MADEC est un récit presque au jour le jour de ce qui s’est passé à Nantes ce mois-là à Sud-Aviation. Dans cette usine, qui fut la première occupée en Mai 1968, le conflit durait depuis plus de six mois, contre les réductions d’horaire, contre les 15000 suppressions d’emploi prévues dans l’aéronautique. Le 8 mai 1968, c’est à Nantes la grande grève sur le thème "L’Ouest veut vivre". Le 13 mai, c’est la manifestation nationale contre la répression policière touchant les étudiants. Le 14 mai 68, Sud-Aviation Nantes est occupée.
Avec François Le Madeec, nous vivons cette occupation de l’intérieur, le service d’ordre, le service d’information, la garde des portes, la fête à l’usine, l’entretien de l’outil de travail, les négociations, les discussions, le "camping", la nuit dans l’entreprise, la rencontre avec les étudiants, l’organisation de la cantine interne à l’usine, etc.
L’occupation de l’entreprise durera 31 jours. L’auteur a su faire revivre cette tranche de vie ouvrière, riche et tumul tueuse, l’histoire des hommes, de leurs actions personnelles, de leurs aspirations.
Voir le livre, attribué à Charles Goudé
Aperçu du livre :
La Croix de la Lande Brûlée - p. 7
Au Grand Auverné - p. 121
Le Château de Brient - p. 261
Le Château de Jean de Laval - p.271
La ville, ses murs, ses rues - p. 285
Abbaye de Meilleraye - p.313
