Date de mise en ligne : lundi 24 octobre 2005
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La mort du roi
1er janvier 1793, des rumeurs circulent en ville. On dit, « en buvant un coup de cidre » qu’au lendemain du Carnaval la contre-révolution sera entièrement opérée en France. Les Amis de la République demandent à la municipalité de faire désarmer les personnes suspectes, de leur enlever « les bureaux de poudre et autres munitions »
4 janvier 1793 : les Amis de la République demandent un mode d’imposition « moins défavorable à la classe indigente du peuple » faisant valoir que la plupart des malheureux sont grevés du droit de patente et de la contribution mobiliaire, alors que « les plus riches n’y avoient aucune ou du moins une très faible part ».
14 janvier 1793, le département de Loire-Inférieure est requis pour envoyer une force armée à Paris pour servir sous les ordres et à la réquisition de la Convention.
16 janvier 1793, la Convention vote la mort de Louis Capet, par 387 voix contre 334. Parmi ceux qui votent la mort : les députés Méaulle et Defermon de Châteaubriant.
Le 18 janvier la droite conteste le scrutin et obtient un scrutin rectificatif (achats, marchandages, tripatouillages battant leur plein) : il donne 361 voix pour la mort contre 360. Un sursis est demandé et rejeté par 380 voix contre 310.
« Pleure Louis, à l’heure de ta mort,
D’avoir désolé la patrie
Tous les Français pourront lontemps encor
Pleurer les crimes de ta vie »
(chantée sur le Pont au Change à Paris)
21 janvier 1793 à 10 heures 22 minutes, Louis Capet est guillotiné. Le fait n’a pas l’air d’avoir suscité quelque émotion à Châteaubriant, mais ... mais ...
21 et 28 janvier 1793 : lettres du Citoyen Fouchet, et du Citoyen Méaulle, députés à la Convention concernant le jugement de Louis Capet.
27 janvier 1793, plusieurs particuliers continuent à abattre et enlever des bois de toutes espèces sur le territoire de la municipalité de Châteaubriant. Celle-ci rappelle que c’est défendu et que les acheteurs seront solidairement responsables des délits commis ... le problème c’est que la Garde Nationale de Châteaubriant est composée en partie de ceux qui pillent journellement « les bois de la nation appartenant ci-devant à Louis Joseph Capet émigré ».
4 février 1793, lettre des Amis de la République de Marseille (en date du 18 janvier) demandant de prévenir « les différentes municipalités des dangers et des inconvénients qu’occasionnerait inévitablement l’appel au peuple du jugement de Louis Capet ». La lettre arrive bien tard, puisque Louis Capet a déjà été guillotiné !
8 février 1793 : La mort de Louis XVI a-t-elle refroidi le Patriotisme ? En tout cas ce jour-là, les Amis de la République s’inquiètent du petit nombre des personnes qui sont présents à leurs séances : « la disparition subite et affectée de la majorité
des membres de la société, le zèle des citoyens qui paraît se refroidir de jour en jour, n’annoncent rien moins que la dissolution prochaine de l’assemblée ». Le Président en place et les deux secrétaires démissionnent de leur poste.
12 février 1793, le citoyen « sacriste » en charge de la paroisse de St Jean de Béré et de la chapelle St Nicolas se plaint : « il n’a trouvé aucun luminaire et pour solenniser le jour de la Chant de Lueur et autres fêtes et dimanches, il a été obligé d’acheter des cierges mais les marchands ciriers ne veulent plus faire aucunes avances attendu que le fournisseur de l’année précédente n’est pas payé ». Il prévient donc la municipalité que le dimanche suivant le service divin ne sera pas fait s’il n’y a pas de luminaire et il propose sa démission. Démission acceptée. La commune accepte cependant de payer le cirier sur ses fonds propres. Un nouveau sacriste est nommé pour St Jean de Béré. « Quant à la Chapelle St Nicolas elle sera desservie par les pauvres les plus valides de l’hôpital ».
17 février : il est question de mander un officier municipal ou notable pour lire les dimanches et fêtes sans exception, à deux heures de l’après-midi, les loix et papiers qui auraient été envoyés officiellement par le district, ainsi qu’un suppléant pour le remplacer en cas d’absence ou de maladie et l’aider dans les occasions où il aurait une trop grande lecture à faire.
18 février 1793 : lettre du citoyen Méaulle tendant à ranimer le patriotisme et à mettre en garde contre les malveillants. Il annonce une nouvelle Constitution « qui sera en faveur des pauvres ». Son plaidoyer est vain : le 18 février 1793 la Société des Amis de la République est dissoute. Elle ne reparaîtra que le 22 brumaire an II (12 novembre 1793).
24 février 1793 la Convention décrète la levée de 300 000 volontaires et décide qu’une partie des officiers seront élus par les soldats.
26 février 1793 : une troupe de 50 hommes arrive pour séjourner à Châteaubriant jusqu’à nouvel ordre. La municipalité distribue des billets de logement chez l’habitant. Le lieutenant commandant cette compagnie déclare ne pas savoir signer et fait signer à sa requête un volontaire de la même compagnie. En ce début d’année 1793 la guerre avec l’Autriche pèse d’un poids très lourd, elle oblige la République toute nouvelle à affirmer l’autorité de l’Etat, à trouver des hommes, des armes, des munitions, des fourrages, des souliers.
Depuis la mort du Roi, toute l’Europe est coalisée contre la République. La Convention compte sur l’enthousiasme révolutionnaire. Les Sans-Culottes parisiens réclament une levée d’hommes.
24 février 1793, la Convention décrète la levée de 300 000 volontaires (dont 3693 pour le département de Loire-Inférieure). Des représentants sont envoyés en mission en province pour accélérer cette mobilisation ... qui va faire beaucoup de mécontents.
10 mars 1793 : lecture publique, à Châteaubriant, de la loi du 24 février qui impose la levée de 300 000 hommes, avec habillement, équipement, armement et subsistance ... Le district de Châteaubriant doit fournir 557 hommes, dont 61 à Châteaubriant, 22 à Issé, 32 à Moisdon, 21 à St Julien de Vouvantes, 29 à Erbray, etc . C’est l’origine des troubles qui vont agiter la région de Châteaubriant, d’autant plus que la méthode employée, le tirage au sort, avec toutes ses possibilités d’exemption pour ceux qui ont de l’argent, rappelle les pratiques d’avant 1789.
11 mars : début de la Guerre de Vendée qui, sous prétexte de refuser la conscription, a d’autres motifs : le rétablissement du trône et de l’autel. A Machecoul, les rebelles commencent un massacre de républicains : il y aura 545 victimes « en chapelet » c’est-à-dire liés ensemble.
L’agitation se manifeste aussi dans la région de Châteaubriant puisque le 11 mars 1793 les officiers municipaux de Joué sur Erdre demandent à la municipalité de Châteaubriant de « leur faire le plaisir de leur donner du secours, de leur envoyer le détachement de volontaires nationaux » car ils se disent « attaqués de toutes parts par les aristocrates de Petit-Mars, St Mars du Désert, Ligné, Le Cellier, Couffé et Carquefou qui viennent fondre sur eux pour les désarmer et les égorger ».
12 mars 1793 : au sortir de sa messe, en se rendant à « la maison curialle » le curé constitutionnel de Châteaubriant rencontre un homme qui lui affirme que « une multitude d’hommes ennemis de la paix doivent s’attrouper avec armes de différentes espèces, pour désarmer tous les citoyens et mettre le feu aux maisons ». Le curé fait sonner le tocsin et prend la fuite. Des troubles sont aussi signalés à Soulvache et Rougé : les citoyens ne veulent pas participer au tirage au sort, ils sont à la recherche du procureur de la commune de Rougé, « mais le bougre s’est sauvé » disent-ils en ajoutant que, s’ils le retrouvent, ils le mettront derrière le feu et ils arracheront les cocardes des patriotes. (ces patriotes qu’on appelle des « patauds » dans la région).
La municipalité de Châteaubriant demande un secours provisoire de 50 hommes au moins .
13 mars 1793, c’est au tour des patriotes de « Nozai » d’être en alarme, craignant l’arrivée « des insurgents de Vé » (Vay). Un attroupement de 200 personnes est signalé à Treffieux et le lieutenant de la Garde Nationale de la Compagnie des Grenadiers de Châteaubriant raconte que la Garde Nationale et la Gendarmerie ont été repoussées à Nort « par un attroupement de trois à quatre mille hommes armés » au point qu’elles ont été obligées de battre en retraite et de prendre des chemins détournés pour arriver à Châteaubriant en sûreté. Le même jour, un gendarme en résidence à Nort informe qu’il a rencontré environ 500 hommes armés à Moisdon,
décorés de cocardes blanches, qui, après l’avoir injurié, l’ont désarmé, lui enlevant « mousqueton, pistolet d’argent et sabre ».
Le tirage est suspendu
La municipalité « considérant que la ville de Châteaubriant est menacée par des contre-révolutionnaires à cocardes blanches », « considérant que la ville n’a point de munitions de guerre, et que toute communication est interceptée entre la ville de Châteaubriant, la ville de Nantes et tous les chefs-lieux de district, à l’est, au midi et à l’ouest de Châteaubriant, arrête que la garde nationale de Châteaubriant est en réquisition permanente et doit se tenir prête à prendre les armes à chaque instant ». Elle demande de monter la garde jour et nuit et, considérant que les habitants de Châteaubriant ne sont pas en force de « résister à des attroupements qui s’accroissent insensiblement et peuvent être portés à 10 000 hommes et plus », demande aide et assistance aux villes de Rennes, La Guerche et des environs, suppliant qu’on lui envoie « deux pièces de canon de quatre, cent livres de poudre et un millier pesant de balles » La municipalité considère que les troubles qui désolent les paroisses voisines de Châteaubriant sont l’effet du fanatisme, mais qu’ils « sont aussi l’effet du recrutement de l’armée, et les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets à Châteaubriant ». Elle suspend donc, jusqu’à nouvel ordre, le recrutement d’hommes pour l’armée.
Du pain et de la viande
14 mars 1793 : des mesures sont prises pour que les boutiques des boulangers soient garnies de pain, et que « les étaux des bouchers soient garnis de viande » pour que les habitants n’en manquent pas et pour qu’on puisse en fournir à tous ceux qui voudront bien porter secours et assistance à la ville de Châteaubriant . Il est ordonné à tous les propriétaires de chevaux de les garder dans leur écurie, pour pouvoir les trouver en cas de besoin.
Est ordonné aussi un recensement des armes et munitions de guerre qui se trouvent dans la ville et des hommes sur lesquels on puisse compter.
Le 15 mars 1793, on annonce qu’un citoyen de Sion a foulé aux pieds une cocarde tricolore au marché de Derval ; que la paroisse de Saffré « qui avait été jusqu’ici tranquille, est actuellement de celles où l’on risque le plus de désordres », qu’une centaine d’habitants de Soudan et d’Erbray pillent et cassent les meubles chez tous les citoyens. Le Conseil Général de la Commune décide alors de nommer un « Conseil d’Administration » composé des membres des différents corps pour aviser à toutes les mesures de sûreté qui pourront devenir nécessaires par la suite.
Les Corps administratifs et judiciaires de la ville invitent en même temps « tous les citoyens à se réunir sur la place St Nicolas en armes de quelque nature qu’elles soient, comme fusils, sabres, fourches » et déclarent qu’ils considéreront comme ennemis du Bien public et qu’ils traiteront comme tels, tous ceux qui ne s’y trouveront pas .
Défense de servir à boire
Ce même jour, 14 mars 1793, « le Conseil d’Administration de la ville de Châteaubriant fait défense aux aubergistes, cabaretiers, marchands de liqueurs, de donner à boire aujourd’hui aux habitants de Châteaubriant ».
Et puis sont annoncés 200 cavaliers qui viennent au secours de Châteaubriant et « il est urgent de se précautionner d’une quantité suffisante de foin pour la nourriture des chevaux et de pourvoir au logement ». Un messager est « envoïé » prendre du foin à la maison des Fougerays, « maison appartenant aux ci-devant De Renac, émigré », et tous les matelas s’y trouvant . Et comme les boulangers manquent de grains, il en est pris dans la maison d’autres émigrés (en décidant qu’il sera payé selon les prix du dernier marché).
Ce même jour encore, la commune de Ruffigné propose d’envoyer à Châteaubriant les hommes qui ont des fusils.
Finalement le 16 mars 1793, le corps municipal de Châteaubriant constate avec satisfaction que plus de 2000 hommes sont venus à son secours.
Ce 16 mars un habitant d’Issé se présente devant le corps municipal de Châteaubriant et raconte ceci : « Mercredi dernier, Pierre Soulet, revenant de Treffieux, a voulu forcer Julien Ricoul, domestique du citoyen Eluère, de l’accompagner à Moisdon. Le dit Ricoul ayant demandé quoi faire, il répondit : viens tu verras, si tu ne viens pas aujourd’hui tu viendras une autre fois ». Il ajoute qu’à sa connaissance PACORY « paraît être le chef des attroupements tous munis de cocardes blanches qui se font dans la paroisse d’Issé ». Le même habitant d’Issé déclare que le mercredi, au retour de Treffieux, les attroupés se sont rendus chez Rodrigue le Jeune et « qu’ils étaient au nombre de soixante à dîner chez lui au village de Cottereux et que de là ils se rendaient à Meilleray tandis que d’autres de leur société se rendaient à Moisdon, et que le domestique du curé de Treffieux était du nombre des attroupés ».
Le même jour, un charpentier du Faux Bourg de la Barre à Châteaubriant, raconte au Corps Municipal de Châteaubriant que : « étant à travailler au village de la Touche en Erbray, environ 8 heures du matin, les deux frères Leroy du même village se sont portés vers lui et lui ont dit d’aller avec eux. Il répondit qu’il ne pouvait marcher n’aïant point de souliers. Les Leroy reprirent qu’ils allaient bien sans souliers, lui dirent : marche ! et se tenant derrière lui répétant : Marche avec nous. Ensuite le conduisirent ainsi jusqu’au village de la Rinnais en Moisdon où était un attroupement chez un particulier du dit village qui leur a donné à boire ». Mais le charpentier réussit à s’échapper.
Le Corps municipal de Châteaubriant décide que la force armée de 2000 hommes se mettra en campagne dès le lendemain « pour repousser les aristocrates et punir tous les chefs de conspiration infernale ». Quatre chariots munis de provisions nécessaires (3000 livres de pain et 1200 livres de viande) seront « à diligence du procureur de la commune », et, pour ne pas risquer la disette, le Corps municipal décide de se saisir des grains qui se trouvent dans les maisons des émigrés, aux Fougerays et à Chamballan « en les faisant payer par les boulangers au prix de l’aprécis ». et de se saisir aussi des matelas, couvertures, draps de lits et autres linges. Il décide en outre de faire prendre, après estimation préalable, les boeufs qui se trouvent à Châteaubriant. Il décide enfin , étant donné que « la forge de Moisdon est régie pour le compte de la nation », d’empêcher le pillage de la caisse de la dite forge .
Le 17 mars 1793, le Conseil d’Administration demande 3000 livres au Département pour les subsistances de l’armée qui arrive de Vitré
18 mars 1793 : un commissaire du département invite le maire et les officiers municipaux « à prendre les précautions les plus promptes et les plus actives pour s’approvisionner en grande quantité de poudre et balles de tout calibre et particulièrement du plus petit et de tous autres approvisionnements de bouche pour substanter les 3000 hommes qui se trouvent actuellement à Châteaubriant ». De son côté le sous-adjudant général de la Légion de la Guerche, sollicité par le Corps municipal de Châteaubriant, se plaint de ne pas avoir trouvé un « billet de logement » pour les 300 hommes qu’il a fait venir à Châteaubriant « tandis qu’en la dite ville il y a 600 maisons au moins en cas de loger ». Il dit aussi qu’il n’a pas trouvé de viande pour ses hommes « quoiqu’il est arrivé à cinq heures de soir » : « Il était plus de minuit lorsque les soldats purent en manger et encore elle n’était pas cuite ».
Chez l’habitant
Tous ces hommes qui viennent au secours de Châteaubriant perturbent l’approvisionnement, se logent chez l’habitant, non sans causer des dérangements et des frictions. Le 18 mars 1793, les corps constitués de la ville se défendent : « si quelques citoyens ont pu souffrir, ce n’a été que par la grande quantité de défenseurs qui sont arrivés de toutes parts au cri de La Patrie en Danger. On attendait cinq à six cent hommes du district de la Guerche tandis qu’il en a fourni mille et qu’il en est de même des pays voisins ». « Les corps constitués affirment que les munitions de guerre ont été achetées le 15 de ce mois, mais s’il n’en est arrivé qu’une partie c’est par le défaut de voituriers qui sont également rares attendu la circonstance allarmante ».
Chateaubrillant
Bref ça va si mal que les corps constitués disent qu’ils « écouteront avec plaisir les réclamations qui leur seront faites et qu’ils invitent même tous les citoyens à leur faire part de leurs conseils, considérant au surplus qu’il est très instant d’organiser les frères d’armes qui sont à Chateaubrillant » (le trouble est si grand que le registre officiel écrit bien : Chateaubrillant !).
Le même jour, trois bouchers livrent de la viande pour l’armée « Ces trois particuliers sont de pauvres bouchers qu’il faut payer, sans quoi ils ne pourraient acheter des bestiaux ». Les boulangers fournissent tout le pain nécessaire, mais certains d’entre eux sont à leur dernière fournée et il faut leur fournir des grains.
Le 18 mars toujours, un gendarme de Châteaubriant, chargé d’arrêter Vallière, maire de Moisdon, énumère les divers papiers trouvés dans ses poches, dont un cahier de chansons à boire et une chanson contre-révolutionnaire. Et même « injonction donnée par le dit Vallière le sept février dernier à Mathieu Dauphy et Michel Valette de fournir des boeufs pour la conduite de la guiotine venant de Nantes à Châteaubriant »
A Issé, à Moisdon les attroupements de révoltés se poursuivent. Le 18 mars donc, « les corps constitués de Châteaubriant, après avoir mûrement délibéré sur les moyens de préserver la ville de Châteaubriant des incurtions d’une troupe de brigands contre-révolutionnaires qui menacent d’y commettre tous les excès dont ils ont déjà affligé plusieurs endroits » exigent que le détachement de volontaires du département ne quitte pas la ville.
19 mars 1793, le curé de St Julien de Vouvantes vient dire que son domestique et lui ont reçu des menaces de mort : « nous allons lui couper le coup à ce sacré bougre et le jetter dans son puits » s’est-il entendu dire. La domestique dit que les insurgés ont tenté d’enfoncer la porte.
A Erbray, le curé constitutionnel Marteau est lui aussi ennuyé par une cinquantaine de personnes qui sont entrées dans sa cure « comme des furies ». L’une d’elles disait « il faut couper la tête à ce bougre et la mettre au bout d’une pique. Il y a assez longtemps qu’il est contre les aristocrates et pour la loi, il faut qu’il périsse »
19 mars, les corps administratifs et judiciaires de Châteaubriant estiment qu’il faut rétablir la communication qui est interrompue entre Nantes, Ancenis et Châteaubriant ; qu’il est essentiel de présenter une force imposante à Châteaubriant, pour agir de concert avec Nantes et Ancenis, « pour investir de ses trois côtés cette horde de brigands et anéantir leurs projets libertissides ». Ils demandent des hommes armés et des canons, et empruntent en particulier celui de Martigné Ferchaud.
Le procureur craque
Mais la pression est trop forte pour certains esprits : le 20 mars 1793, le citoyen Ballais, procureur de la commune de Châteaubriant se déclaré dépassé par les événements « je suis hors de moi, j’ai perdu la tête, je n’entends plus rien ». Il est donc suspendu de ses fonctions, à sa demande,. Il ne reprendra ses fonctions que le 1er juin 1793.
20 mars, un citoyen d’Ancenis vient dire à Châteaubriant que sa ville est sur le point d’être assiégée pour la quatrième fois : « il est probable qu’elle ne soutiendra pas le quatrième assaut des ennemis de la chose publique, qu’elle sera subjuguée, pillée et brulée si elle n’est pas secourue, qu’on n’y trouvera que des cadavres et des cendres ». Mais les corps constitués de Châteaubriant, « avec la plus grande sensibilité et le plus grand chagrin » se trouvent dans l’incapacité de lui porter secours puisque « dans le district de Châteaubriant les trois quarts des paroisses sont en insurrection ».
20 mars, différents citoyens estiment que le salut public est plus que jamais en danger « que de toutes parts les rebelles obtiennent le passage, interceptent toute communication, forcent les habitants de plusieurs paroisses à fouler au pied la cocarde nationale et à arborer le signal de la contre-révolution ». Les corps constitués de Châteaubriant demandent de l’aide à La Guerche et Vitré.
Des souliers
21 mars 1793, le capitaine de la compagnie de Janzé demande des souliers pour plusieurs de ses soldats.
24 mars 1793 : les Vendéens échouent devant Les Sables d’Olonne. Malgré toutes leurs tentatives, ils ne réussiront jamais à s’assurer sur la mer un port qu’ils puissent offrir à un débarquement anglais.
31 mars 1793, les rapports des représentants dans les départements français commencent à faire prendre conscience à la Convention de l’ampleur et de la gravité du problème économique et social. « Le saint enthousiasme de la liberté est étouffé dans les coeurs. Partout l’on est fatigué de la Révolution. Les Riches la détestent, les pauvres manquent de pain et on les persuade que c’est à nous qu’ils doivent s’en prendre. Les grains ne manquent pas mais ils sont resserrés. Il faut très impérieusement faire vivre le pauvre si vous voulez qu’il vous aide à achever la Révolution » écrit Jean-Bon Saint-André.
9 avril 1793 : le recrutement ordonné par la loi du 24 février dernier est suspendu dans le département de Loire-Inférieure, en raison des troubles survenus. Le Corps Municipal convoque pour le 13 avril tous les citoyens à la Chapelle St Nicolas « pour adopter le mode qu’ils jugeront convenable pour fournir leur contingent ».
11 avril 1793, le citoyen Julien Gautron, marchand cirier, demande à être payé pour la fourniture des cierges et chandelles des églises de Châteaubriant durant l’année 1792. « Je suis poursuivi par des créanciers » dit-il. Mais la paroisse de Châteaubriant n’a pas de quoi payer. Le trésorier de la municipalité accepte de payer, provisoirement, à sa place.
Le 12 avril 1793, le Corps municipal donne ordre de faire réparer le drapeau de la commune . Le même jour les listes des citoyens de Châteaubriant, sujets au recrutement, sont établies par les commissaires chargés de cette opération, qui déclarent « n’avoir fait aucun passe-droit ni aucune omission ».
Le 15 avril, les citoyens de Châteaubriant sont priés de déposer le jour même à la Maison Commune « tous les fusils et munitions appartenant à la ville et même ceux qui pourraient leur appartenir en privé, pour armer nos frères d’armes qui sont sur le point de partir ».
17 avril, à la Convention Nationale, un certain Romme réclame le vote des femmes. En vain ...
Le 18 avril, est lue à Châteaubriant une lettre de la Convention Nationale « promettant paix et amnistie aux attroupés qui rentreront dans l’ordre et se soumettront à la loi » et offrant une somme de 6000 livres à ceux qui livreront les chefs des attroupements.
21 avril : Robespierre lit son projet de nouvelle Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen, disant notamment : le droit de propriété est borné, comme tous les autres, par l’obligation de respecter les droits d’autrui - la société est obligée de pourvoir à la subsistance de tous ses membres, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler.
29 avril, on s’avise qu’à Châteaubriant, à part la compagnie des Grenadiers, la Garde Nationale du Canton n’est pas encore parfaitement organisée, elle doit se diviser notamment en pelotons, sections et escouades. Elle peut former un bataillon qui doit avoir « un commandant en chef, un commandant en second, un adjudant, un porte drapeau et un maître armurier » et un drapeau aux trois couleurs qui portera les mots « le peuple français, la liberté ou la mort ». De plus, chaque compagnie doit avoir une flamme.
4 mai 1793 : les citoyens du territoire de Châteaubriant sont invités à déposer à la maison commune les billets de confiance émis par d’autres municipalités, qui leur seront remboursés en assignats.
La loi du maximum
4 mai 1793 : sous la pression populaire, la Convention décrète le « maximum décroissant du prix des grains ».
13 mai, on apprend que la municipalité a été obligée d’abandonner le lieu de ses séances et de le laisser pour servir de Corps de Garde « dans les temps malheureux » et qu’elle a transféré ses assemblées dans une maison appartenant au citoyen Guibourg. Celui-ci désirant l’occuper à la Saint Jean prochaine, la municipalité loue une boutique, près de la place St Nicolas, pour servir de Corps de Garde.
30 mai 1793, Fête Dieu à Châteaubriant , procession solennelle avec présence de la municipalité, de la Garde Nationale, de la Gendarmerie, « en armes avec leurs troupes », des Corps Administratifs et Judiciaires. Ordre de nettoyer les pavés et de tendre les rues. Une amende de 10 livres sera infligée aux réfractaires.
1er juin 1793, le citoyen Ballais, procureur de la Commune, a repris son poste.
8 juin 1793, le Corps Municipal fait dire aux personnes qui ont « des droits aux secours de la République », c’est-à-dire à ceux qui ont leur mari et leurs enfants au service, d’avoir à se faire inscrire sur le registre ouvert à cet effet.
9 juin 1793 : début de la grande offensive vendéenne. L’Angleterre décrète le blocus de toutes les côtes et de tous les ports de France.
13 juin, Ancenis et Candé, communes qui se situent non loin de Châteaubriant tombent aux mains des insurgés.
20 juin : on arrête à Châteaubriant un boulanger pour avoir dansé en apprenant une victoire des Vendéens, et un cabaretier pour avoir tenu des propos contre-révolutionnaires aux soldats venus boire chez lui.
La Constitution de l’an I
24 juin 1793 : la Constitution de 1793 (ou de l’An Un) est adoptée par la Convention qui décide de la soumettre à la ratification populaire. Le dernier article dit ceci : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».
24 juin : les Vendéens marchent sur Nantes. Le 28 juin, Nort sur Erdre est enlevé aux Républicains. Nantes est assiégée le 29 juin. Le bruit court jusqu’à Châteaubriant que Nantes est tombée « que les assignats qui n’avoient pas la figure du Roy, il ne falloit pas les prendre, ils ne valloient rien » et que les patriotes sont foutus. Des troupes sont demandées pour défendre Châteaubriant mais on s’interroge : comment les nourrira-t-on ?
Ils veulent nous garder le cul
Que se passe-t-il donc le 30 juin 1793 à Châteaubriant ? Il semble qu’un certain nombre de Castelbriantais ont voulu empêcher les Corps Constitués d’assurer la défense de la ville, en prétextant qu’un afflux de soldats affamerait la ville. Le citoyen Bobe dit que samedi 29 juin il s’est rendu à la Maison d’Ecole Charitable qui lui sert de magasin pour les grains, afin de faire transporter aux moulins du citoyen Jaril une charretée de grains pour réduire en farine pour les besoins de la ville de Châteaubriant. Il fut alors attaqué par différents particuliers le menaçant vivement parce que, disaient-ils, les grains n’étaient pas destinés au farinier Jaril mais qu’on les faisait passer ailleurs. Le soir vers 11 heures, il entendit frapper sur la cloche de la chapelle St Nicolas, « comme un tocsin ». Il alla donc voir ce qui se passait et trouva un attroupement dans la chapelle. Le citoyen Louard déclare qu’on lui a dit que cette assemblée avait été constituée contre la volonté des corps constitués « qu’on s’en foutait, qu’on irait tout de même » Le procureur de la Commune, le citoyen Ballais, dit que cette assemblée a été provoquée par des particuliers qui craignaient la « disette en subsistance » . Le citoyen Pierre Carpantier raconte que les personnes assemblées tenaient « des discours qui annonçaient une insurrection », que plusieurs d’entre elles menaçaient les corps constitués « disant qu’ils étoient des jeanfoutres, des Judas et des traîtres qui passoient le grain hors d’ici, qu’ils ne se contentoient pas de cela, qu’ils vouloient encore faire venir des troupes pour leur garder le cul ».
Le citoyen maire raconte qu’on lui a dit : « pourquoi faire venir de la troupe ici pour affamer le public ? Ce n’étoit donc que pour baiser nos putins ? » Il poursuit : « J’entendis derrière moi qu’il fallait me couper le col et m’ouvrir le ventre ou plutôt me faire grier à petit feu ». Les choses allaient donc mal à Châteaubriant ce 30 juin 1793, les citoyens insurgés firent une pétition « sous la signature de divers membres de l’administration qui étaient présents et qui crurent n’avoir rien de plus prudent à faire » comme le dénonce le citoyen Ballais, procureur de la commune.
Finalement, les citoyens Baguet et Cathelinays demandèrent que leur signature fut considérée comme nulle et non avenue. D’autres membres de l’administration firent comme eux et tout rentra dans l’ordre. Quant à ceux qui refusèrent de retirer leur signature, ils furent considérés comme suspects et désarmés. La manoeuvre de ceux qui avaient voulu faciliter la chute de la ville, pour favoriser la prise de pouvoir par les Vendéens, soutenus par les rebelles du District, avait échoué.
Sources :
Archives municipales, séries 1 D et S1
Almanach de la Révolution Française par Jean Massin, Ed Encyclopaedia universalis
Dictionnaire des chansons de la révolution par G. Marty, Ed Taillandier
Guide de la Révolution Française (lieux, monuments, hommes) par Jean-Jacques Lévêque et Victor Belot, Ed Horay
(1) District : on dirait aujourd’hui arrondissement
1) La commune est administrée par un « Conseil Général »
2) le rédacteur hésite sur l’orthographe, il parle aussi bien d’un « hautel » ou d’un « hôtel » pour désigner l’autel de la patrie