La Révolution à Châteaubriant - 6 - quelques réflexionsPages précédentes :
1 -les campagnes
2 - une ville close à l’abri du château
3 - un pays en proie au malaise
LA RÉVOLUTION a commencé EN BRETAGNE
Châteaubriant, région de Bretagne, bénéficie des franchises accordées à cette province. Par exemple, aucun impôt nouveau ne peut être levé sans le consentement des Etats de Bretagne auxquels des représentants de la ville participent régulièrement. Les Castelbriantais, qui tiennent aux Droits du Parlement de Bretagne, ne pourront admettre qu’on y porte atteinte.
Mais Louis XVI a besoin d’argent. il veut d’une part imposer les plus riches (les bourgeois) et d’autre part retirer à laBretagne ses privilèges fiscaux qui en font une province moins imposée que les autres. En mai 1788, le Garde des Sceaux, M. LAMOIGNON, réduit les droits des Parlements de Province. La Bretagne s’enflamme : nobles, clergé, bourgeois, étudiants, paysans, tous manifestent à Rennes et réclament l’annulation des Edits Lamoignon.
Le Roi riposte en exilant les magistrats du Parlement de Bretagne et en envoyant un régiment de dragons pour faire respecter l’ordre . Les Bretons désignent alors 12 d’entre eux pour porter au roi une protestation. Ils sont embastillés le 14 juillet 1788 : c’est l’épreuve de force.
Pendant ce temps-là, à Châteaubriant, la Communauté de Ville proteste contre les Edits royaux et contre l’embastillement des 12 gentilhommes bretons. Le registre des délibérations en fait foi : il porte les signatures des principaux membres de la noblesse, du clergé et de la bourgeoisie de la ville .
Finalement le Roi cède et, le 11 octobre 1788 , Châteaubriant fête les Droits de la Bretagne conservés, les magistrats rendus à la liberté et la tenue prochaine des Etats Généraux du Royaume de France. On illumine, on tire le canon, on allume des feux de joie dans les rues. Le vin et le cidre coulent à flots .
TOUCHE PAS A MA BRETAGNE
27 octobre 1788, la Communauté de Ville discute sur les réformes. à introduire dans le gouvernement et Jean-René GUIBOURG, procureur-syndic à Châteaubriant, écrit au ministre Necker pour lui suggérer d’abolir la féodalité.
Image : Le peuple, à terre, est écrasé, foulé aux pieds par le clergé et la noblesse (à gauche), qui lui réclament les tailles, impôts et corvées.
17 novembre 1788 , la Communauté de Ville réunit les anciens officiers municipaux, les écclésiastiques, les marguilliers, notables et propriétaires-laboureurs, pour délibérer sur les affaires de tous les habitants. Les nobles ne sont pas invités le peuple non plus d’ailleurs. Au cours de cette réunion, il est question de l’heureuse révolution qui se prépare.
Mais quelle révolution ? Selon un texte retrouvé par l’historien Christian BOUVET , les notables castelbriantais affirment l’utilité fondamentale du Tiers Etat et réclament pour lui une place légitime dans le gouvernement des affaires publiques.
" C’est dans l’ordre du Tiers-Etat que l’on trouve des ressources dans tous les genres. C’est l’ordre du Tiers-Etat qui soutient l’Etat ; c’est lui qui nourrit et élève des sujets pour l’Etat, qui les forme et les instruit pour les besoins de l’Etat, qui l’enrichit par son commerce et son industrie. C’est le Tiers Etat qui forme les gros bataillons, c’est nos matelots, nos soldats, nos grenadiers qui versent des flots de sang, courageusement pour le soutien de l’Etat.
Qu’on examine l’état présent des choses. On voit tous les avantages en faveur des deux premiers ordres de l’Etat. Que reste-t-il pour l’ordre du Tiers, pour cette classe de citoyens sans laquelle le plus bel empire du monde ne serait rien : elle n’a pour récompense de ses pénibles travaux qu’une accumulation de charges.
L’ordre du Tiers-Etat devrait-il être réduit à solliciter le partage réel de toutes les places fructueuses et productives qui appartiennent à cette société dont il est la partie la plus essentielle ?" . (texte du 14 décembre 1788)
C’est très exactement ce que dira SIEYES en 1789 :
– Qu’est-ce que le Tiers Etat ? Tout.
– Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien
– Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose .
Décembre 1788, se tiennent à Rennes des conférences préparant la tenue des Etats de Bretagne. Châteaubriant y a trois délégués : le maire LOUARD, deux avocats Jean René GUIBOURG et ERNOUL DE LA PROVOTÉ, et deux délégués supplémentaires BRUNEAU DE SAINT MÉEN et CALVET.
29 décembre 1788, les Etats de Bretagne s’ouvrent à Rennes. Le Tiers-Etat, représenté par les bourgeois, se dresse contre la noblesse et le clergé pour réclamer l’égalité devant l’impôt, l’abolition des privilèges de classe et l’augmentation du nombre de ses députés. Les débats durent un mois et conduisent le Roi à suspendre les travaux des Etats de Bretagne.
Devant cette nouvelle atteinte aux Droits Bretons, la noblesse et le Clergé protestent mais le Tiers-Etat s’incline.
C’est donc une nouvelle fois l’opposition entre la noblesse et le clergé d’un côté, et le Tiers Etat de l’autre, affrontement d’autant plus inévitable que la noblesse et le clergé dominent le Parlement de Bretagne, tandis que les bourgeois du Tiers Etat dominent la municipalité rennaise.
A Rennes, le 26 janvier au matin, il fait très froid et plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées pour protester contre le prix du pain qui a doublé en un mois. La noblesse profite de cette manifestation pour dresser les pauvres des villes et des campagnes contre les bourgeois du Tiers Etat. Et c’est l’affrontement entre le peuple, et les étudiants qui soutiennent le Tiers Etat. Les incidents se poursuivent le 27 janvier 1789 où les étudiants ont été rejoints par les ouvriers. Les combats acharnés feront 2 morts.
De partout, de Nantes, St Malo, St Servan, Vannes, Angers, Lorient, des jeunes viennent au secours des étudiants et ouvriers de Rennes. Ces jeunes deviendront plus tard des Gardes Nationaux et choisiront parmi eux les députés bretons qui iront aux Etats Généraux de Versailles. Ces députés du “club breton" deviendront plus tard le “Club des Jacobins".
Les délégués de Châteaubriant s’en reviennent dans leurville et se proposent d’informer la population de ce qui s’est passé à Rennes. le procureur-syndic, Jean René GUIBOURG, qui est plutôt du côté de la noblesse, s’y oppose. Les habitants protestent. Alors le maire, Louard , et quelques échevins, réunissent la population pour le 13 mars, au son du tambour et de la cloche. Après le rapport des délégués, l’avocat Jean Nicolas MEAULLE prend la parole. Il accuse GUIBOURG et ERNOUL DE LA PROVOTÉ de faire obstacle à la démocratie.
C’est donc toujours la division en ville !