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Le voyage initiatique de Gentille Anne

Ecrit le 30 avril 2011

Gentiane

Anne Cryptogramme était une gentiane tout à fait sympathique, mais elle très était malheureuse, souffrant d’une maladie qui l’empêchait d’avoir des fleurs comme on devrait en avoir à son âge. Elle en avait assez d’être prisonnière de sa mère la terre et de subir les moqueries de sa voisine Hysope, qui elle, arborait de somptueuses fleurs. Alors par un beau matin, elle décida de partir pour une promenade de santé, espérant que lui poussent des pétales pendant son voyage. Elle chaussa donc ses racines et prit la route.

Gentiane

Sur son chemin elle croisa une plante qui semblait toute triste. Ses nombreuses fleurs blanches baissaient la tête de honte. Elle lui adressa ces quelques mots : « Comment t’appelles-tu et pourquoi es-tu si mélancolique ? »

« Je m’appelle Muguet. Je suis d’humeur sombre car l’on ne s’occupe de moi qu’un jour dans l’année, le reste du temps on m’ignore tout à fait... » « Mais pourquoi donc ? Tu as de si jolies clochettes ? Redresse-toi et montre les fièrement ! » « Ces mêmes clochettes sont aussi belles qu’elles sont toxiques aux hommes, voilà pourquoi on ne se préoccupe pas de moi ! Maintenant laisse-moi en paix ! » .Anne, surprise de ce rejet s’éloigna donc.

Elle marcha longtemps, longtemps, puis finit par trouver une plante qui avait l’air bien fière d’elle. « Comment te nommes-tu ? » lui demanda-t-elle. « Tu oses m’adresser la parole ! Je suis cigüe, un grand philosophe m’a choisie pour se donner la mort, je suis redoutée par tous. Et toi, qui t’a déjà choisie ? Personne... Allez file je ne parle pas à des plantes telles que toi ! ».

En continuant son périple, elle vit de magnifiques roses : « Comme vous êtes belles ! ». « Nous sommes les plus belles, tout le monde veut nous offrir le jour des amoureux. Les humains nous trouvent si belles qu’ils n’hésitent pas à nous colorer de bleu ! Un poète nommé Ronsard, a même loué nos beautés. Et toi qui a chanté tes louanges ? ». « Personne » avoua-t-elle désappointée... « Ah ah ah, c’est normal quand on n’a pas de fleurs ! Allez file d’ici avant que nous te piquions de nos épines ! ».

Mais la volonté d’Anne était dure comme fer malgré sa tige frêle, elle décida de continuer son périple sans se décourager.

Je vais aller plus au sud, pensa-t-elle, ici tout le monde est trop méchant, le soleil Méditerranéen va peut être adoucir les cœurs des végétaux !

Dans le Sud de la France la somptueuse odeur d’un champ guida ses pas. Comme c’était beau. Devant ses yeux s’étalaient à perte de vue des herbes aux couleurs mauves et violettes. « Nous sommes les lavandes, tout le monde nous aime ici, on se sert de nous pour faire des savons et des parfums ! » s’écrièrent-elles en chœur. « Comme vous en avez de la chance d’être baignées par ce soleil ! Reste-t-il un peu de place près de vous pour que je puisse poser mes valises ? ». « Certainement pas, tu es bien trop différente de nous, tu ferais mauvaise herbe dans notre champ, allez ouste ! ».

Anne s’essaya alors dans le champ voisin où de grandes fleurs ressemblant à des soleils semblaient bronzer. « Bonjour, vous en avez de la chance d’être baignées par les rayons de ce doux soleil, peut-être que si je pouvais m’enraciner près de vous, de jolies fleurs comme les vôtres naîtraient sur ma tête ? ». « Ah non alors, tu prendrais tous les minéraux de notre sol, il n’y a plus assez de place pour accueillir quelqu’un d’autre, tu perds ton temps ici, va voir ailleurs ! ».

Anne dépérissait peu à peu, sentant ses feuilles se ramollir en même temps que sa détermination. Et puis il faisait bien chaud dans cette région, et Anne avait marché des heures. Heureusement un village pointait le bout de son nez tout près d’ici. Elle se dirigea jusqu’au tuyau d’arrosage d’une des maisons pour se désaltérer. Dans le jardin, elle croisa un parterre qui lui aussi sentait bon ! « Comment oses-tu t’introduire ici ?!? » pesta Monsieur Romarin. « Tu as l’audace de boire l’eau qui nous est réservée ! » renchérit Madame Thym. « Excusez-moi, j’ai fait longue route afin de trouver un endroit tranquille pour emménager et je me desséchais sous cette chaleur ». « Est-ce que les gens se servent de toi pour cuisiner et aromatiser leurs mets ? ». « Ça ne m’est jamais arrivé, à dire vrai... ». « Alors tu ne peux pas rester avec nous ! Ta simple présence nuirait à nos senteurs ! Pars maintenant ! »

Mais il lui en fallait plus pour se décourager. Maintenant qu’elle n’avait plus soif, elle retrouvait l’énergie de poursuivre sa route. Elle se disait qu’elle finirait bien par trouver des amis qui l’accepteraient telle qu’elle est.

Elle eut soudain une idée, elle pensa que dans d’autres pays, on ne se soucierait pas de sa différence ! Elle décida donc de parcourir le monde, de découvrir de nouveaux pays.

Elle passa quelques jours chez sa tante Edelweiss dans les paysages suisses. Mais ne supportant pas le froid qui régnait dans les montagnes des Alpes, elle dût partir.

Elle continua chez ses cousines les tulipes en Hollande. Mais là-bas elles se moquèrent d’elle. « Regarde-nous, nous sommes le symbole de notre pays et nous pouvons même changer de couleur. Nous sommes tour-à-tour jaune, rouge ou rose ! As-tu une telle faculté ? Bien sûr que non ! Tu ferais mieux de rentrer chez toi et de rester à ta place ! ».

Anne, de retour en France, tenta sa chance dans les hauteurs, elle se rendit dans les Pyrénées où elle fit la désagréable rencontre d’Armoise. « Je dois mon nom à une très célèbre déesse grecque et on se sert de moi pour soigner les gens, je ne tiens pas à ce que tu ternisses mes vertus par ta présence, alors file ! ».

Alors elle s’aventura du côté de la mer. On raconte qu’il y pousse de drôles de plantes au fond des eaux. Elle y aurait peut-être sa place après avoir appris à nager ? Mais les algues et les coraux ne lui réservèrent pas un meilleur accueil que les autres. Et puis de toute façon il y avait bien trop de poissons qui régnaient dans les parages, aucun moyen d’avoir de l’intimité, pensa notre gentiane globe-trotteuse.

Lasse, Anne la gentiane décida de retourner chez elle, dans son ancienne maison. Après tous les affronts qu’elle avait subis au cours de ses aventures, elle se dit qu’elle serait capable de subir à nouveau les persiflages d’Hysope, sa voisine. Aucune fleur ne lui était venue mais au moins elle avait profité de la beauté des paysages et avait acquis une sagesse qu’aucune autre plante ne possédait.

C’est ainsi qu’elle prit le chemin vers sa demeure à l’orée de la forêt.

Miraculeusement, au fur et à mesure des jours qui passaient sur le trajet du retour, une fleur lui poussait sur la tête et sur le corps. Chaque matin au réveil, en se regardant dans un ruisseau, une nouvelle fleur jaune lui avait poussé ! Elle était belle avec ses petits chapeaux dorées ! Ces fleurs sont peut-être les fruits de l’expérience pensa-t-elle.

Plus loin sur le chemin elle vit une plante lui ressemblant comme deux gouttes de suc, sauf que ces fleurs étaient bleues. « Je me nomme Koch » lui déclara t-il. En un regard ils tombèrent amoureux. Le bleu et le jaune de leurs fleurs faisait ressortir le vert de leurs feuilles. Il s’installèrent tous les deux pour discuter quand ils virent une fleur rouge bien triste. « Que se passe t-il ? » demandèrent les deux gentianes. « Je m’appelle Pivoine, tout le monde m’a rejetée car je suis trop timide. On a même inventé un proverbe pour se moquer de moi. Je cherche un endroit où aller désormais. ». « Tu peux rester avec nous si tu veux, il y a assez de place pour nous trois dans cette clairière. »

C’est ainsi que ces trois fleurs, telles les trois couleurs primaires, formèrent un mélange parfait.

Tony GOUPIL.