Qui est qui ?
En ce moment et jusqu’en octobre 2010, se tient à Châteaubriant une très belle exposition sur les Marches de Bretagne. Mais le nom de Derval n’y est pas cité. Omission à caractère historique qu’ont tenu à relever MM. Auguste MARTIN (érudit dervalais), Gérard MESLET (Président de l’Association pour la Sauvegarde de la Tour Saint Clair), Jean LOUER (Maire de Derval) ainsi que l’association ADT que préside Raymond LEBOSSE.
Marches de Bretagne : il s’agit d’un territoire-frontière entre la Bretagne et le pays des Francs.
« DERVAL, comme LE GRAND FOUGERAY, a bien fait partie des forteresses construites au XIIe, sous l’autorité du Roi franc, Philippe Auguste, dans la zone frontalière appelée "Marches de Bretagne".
La forteresse comportait 9 tours, 2 douves, 2 remparts et 2 ponts-levis.
Considérant ces faits, nous avons pensé qu’il était de notre devoir de rappeler l’histoire oubliée des Seigneurs qui portèrent ce nom unique : Derval ».
disent MM. Meslet, Martin et Louër
Du côté des Rois des Francs :
– Philippe VI régna de 1328 à 1350
– Jean Le Bon régna de 1350 à 1364
– Charles VI régna de 1380 à1422
– Louis XI régna de 1461 à 1483
Du côté des Ducs de Bretagne
– Jean III, duc de Bretagne, mort en 1341
– Jean V, duc de Bretagne, mort en 1442
– Pierre II, duc de Bretagne, mort en 1457
– François II, duc de Bretagne, mort en 1488
Jeanne de Penthièvre, prétendante au duché de Bretagne, nièce de Jean III, épouse de Charles de Blois.
Jean de Montfort, demi-frère de Jean III, prétendant au duché de Bretagne. Son fils, Jean de Montfort, sera le Duc Jean IV.
Seigneurs de Derval
Bonabes III de Rougé, prit le parti de Jeanne de Penthièvre.
Jean de Châteaugiron, prit le nom de Jean de Derval en 1435.
Derval dans les Marches de Bretagne
Les Seigneurs de Derval descendent vraisemblablement de Dame Austroberte de Fayen, noble dame qui, au IXe, possédait des terres en cette contrée, au sein du Pays de la Mée (Elle fut co-fondatrice du monastère de Mouais)
Le premier Seigneur de Derval apparait au XIe siècle. Il est signalé comme ayant participé à la Croisade, prêchée à Angers, en 1096, par le Pape Urbain II (croisade conduite par Robert d’Arbrissel de la Guerche).
A partir de 1325, DERVAL passe à la maison de ROUGE, par Agnès de DERVAL. Son fils, Bonabes III, prend le nom de DERVAL. Les Seigneurs de Derval étant issus de la race ducale de Bretagne, le nom de Derval devait être relevé. Leur devise : "Sans Plus" voudrait dire "Nous sommes au sommet de la hiérarchie".
La guerre de succession, XIVe siècle
En 1341, le Duc de Bretagne, Jean III, meurt sans enfant. Deux prétendants se manifestent ...
– Jeanne de Penthièvre, nièce de Jean III
– Jean de Montfort, demi-frère de Jean III.
La Bretagne est divisée :
– la Haute Bretagne soutient la cause de Jeanne de Penthièvre (et de son époux Charles de Blois, neveu du roi de France).
– tandis que la Bretagne bretonnante soutient celle de Jean de Montfort et fait alliance avec les Anglais. Et c’est la guerre. Jean de Montfort est tué rapidement. Son épouse poursuit la lutte en faveur de son fils (nommé aussi Jean de Montfort).
Le seigneur de Derval, Bonabes III, soutient Jeanne de Penthièvre. En 1354 il est nommé Sénéchal du Pays de la Mée puis s‘engage au service du roi de France Jean le Bon, en guerre contre le roi d’Angleterre (celui-ci revendique par sa mère le droit au trône de France).
Devenu conseiller du roi, il est fait prisonner avec lui en 1356 à la bataille de Poitiers et ils sont conduits en Angleterre. Edouard III exigeant une énorme rançon pour la liberté du Roi, Bonabes de Derval est désigné pour négocier le prix de sa liberté. (A cette occasion d’ailleurs sera créé le franc-or, qui sera la monnaie de la France jusqu’à l’euro !)
En 1364, à la bataille d’Auray, Jean de Montfort est déclaré vainqueur. Il sera Duc de Bretagne sous le nom de Jean IV.
Robert Knolles, " seigneur " de Derval
Bonabes de Derval, vaincu, se voit dépossédé de ses seigneuries : le château de Derval est donné à Robert Knolles, allié anglais de Jean de Montfort.
La présence de troupes anglaises mécontente de nombreux seigneurs bretons Le duc Jean IV, contraint de s’exiler, confie son duché à Robert Knolles. Le roi de France en profite pour envoyer ses armées, sous la conduite de Duguesclin, reprendre toutes les places fortes bretonnes occupées par les Anglais.
Toutes, sauf Derval, malgré un siège de plus de 40 jours et la mise à mort de sept otages.
Knolles garde donc le château de Derval. Ses troupes, cantonnées aussi à Rougé, se comportent en véritables occupants, faisant subir pillages et sévices aux habitants de cette région des Marches de Bretagne.
Jean de Derval, XVe siècle
On retrouve les seigneurs de Derval dans cette histoire commune de la Bretagne et de la France, notamment au XVe siècle.
"Hault et puissant seigneur" Jean de Châteaugiron l’était sans conteste, d’abord par l’étendue de ses fiefs, puis par l’alliance prestigieuse qu’il contracta avec une famille princière : celle des LAVAL.
De sa mère, ce prince avait hérité les terres de Châteaugiron, de Derval et de Rougé, d’autres fiefs en Anjou, en Touraine et en Normandie, ainsi que les terres de Grilleau et des Dervallières près de Nantes, dont faisaient partie le Château et l’Hôtel de ville actuel. Cette emprise territoriale s’étendant sur quelque 50 paroisses. De son père, il avait hérité de la seigneurie de Cambourg. De toutes ces possessions, Derval était celle du plus haut rang, aussi avait-il le devoir d’en porter le nom. Il se fait donc appeler Jean de DERVAL en 1435.
Le 15 Janvier 1450, un contrat de mariage est établi entre Jean de DERVAL et Hélène de LAVAL, âgée de 12 ans, petite-fille du Duc de Bretagne Jean V et du roi de France Charles VI
Le 19 Mai 1451, le Duc Pierre II élève la seigneurie de DERVAL au nombre des neuf grandes baronnies de Bretagne. Jean de DERVAL se trouve dès lors propulsé aux plus hauts sommets de la vie du Duché de Bretagne et toute son activité publique s’en ressent. On le voit siéger aux côtés du Duc avec les autres grands barons aux Etats de Bretagne à Vannes.
Jean de DERVAL est aussi mêlé de très près aux événements tant militaires que politiques. De la fin des années 1440 à 1453, il participe à la reconquête des places fortes tenues par les Anglais, aussi bien en Guyenne, qu’en Normandie à la bataille d’Avranches.
En 1448, notamment, il se distingue au siège de Fougères. Puis à la fameuse bataille de Castillan en 1453, qui marque le glas de la présence anglaise en France.
Grand Chambellan, chevalier des ordres de l’Hermine et de l’Epi, Jean de DERVAL se vit confier d’importantes missions diplomatiques : avec le Duc, en terre étrangère à Bourges, en 1445. Le Duc l’envoie à la rencontre du prince de Navarre en 1456, il accompagne François II à Tours pour l’hommage au Roi de France. L’année suivante il reçoit le commandement de la ville et de l’évêché de Nantes. En 1464, il participe à une ambassade en Angleterre. Il ratifie, en 1475, aux côtés d’autres seigneurs le traité de Senlis entre le Duc François II et le roi Louis XI, plus ennemis que jamais.
L’Histoire a surtout retenu Jean de DERVAL comme étant un grand amoureux des livres. Sa bibliothèque contenait des manuscrits les plus divers : encyclopédiques, philosophiques et littéraires. Toutefois avec une dominante pour l’histoire et la théologie.
Conscient de la pression qui s’exerce sur la Bretagne et pour affirmer la puissance d’un Etat qui se veut indépendant, Jean de Derval entreprend de faire réaliser l’histoire de la Bretagne par son secrétaire Pierre le Baud. Ce manuscrit richement décoré de grandes miniatures en couleur, dont celle du siège du château de Derval par Duguesclin, est conservé à la Bibliothèque Nationale. Sources : Mlle DUPIC A.D. de Loire Atl.
A sa mort, en 1482, n’ayant pas d’héritier direct, la petite-nièce de Jean de Derval, Françoise de Rieux, hérite de l’importante baronnie de Derval.
En épousant François de Laval, baron de Châteaubriant, les deux baronnies se trouvent réunies… La baronnie de Châteaubriant étant plus ancienne que celle de Derval, le nom de Derval va se perdre définitivement.
Jean de Laval, fils de Françoise de Rieux et de François de Laval, époux de la belle Françoise de Foix, en sa qualité de gouverneur de la Bretagne, tiendra un rôle important dans le rattachement de la Bretagne à la France en 1532.
La Tour Saint Clair
La forteresse bretonne de Derval n’est plus : elle a été victime des aléas de l’histoire. Au temps des guerres de Religion, assiégée et occupée successivement par les antagonistes des deux camps, elle fut condamnée à la démolition par l’Édit de Nantes (1598). Il ne reste que des ruines. (extrait des documents d’Auguste Martin)
« Aujourd’hui, au cœur d’un site austère, cernée par la douve profonde, la Tour pourfendue veille toujours dans le silence des siècles. Sentinelle avancée d’un royaume perdu (la Bretagne), elle continue de témoigner fièrement d’une grande histoire : celle des "Marches de Bretagne", mais encore d’une histoire qui concerne des Etats : La France et l’Angleterre » disent Gérard Meslet et Auguste Martin.
La famille Knolles souhaiterait racheter le site de la Tour St Clair mais la municipalité ne veut pas se séparer de cet élément de son histoire. Elle a raison.