Yves Cosson est donc revenu en octobre 2008 sur les terres de Châteaubriant, sur les terres de son enfance, au fil des pages du livre qu’il a illustrées de poésie. (1) « Que faire de la poésie par les temps qui courent, lui disait un ami. Je te laisse à tes élucubrations ! ». Pour ses auditeurs ce fut un grand moment, regrettant qu’il ne dure pas plus longtemps … « Le poète est un marchand de plaisirs qui ne coûtent rien ». Laissons-le parler.
Mon pays est ma chair, Pourquoi changer de peau ?
J’ai accepté de commenter le livre à travers mes souvenirs, de confronter notre ville, notre vie, avec le passé. C’est une façon d’initier les gens au patrimoine que l’on croit souvent vieux et moche. N’y a-t-il que des collectionneurs un peu fous pour s’attacher aux objets d’antan ? Sur la vieille route de Nantes, en sortant de Moisdon, on découvrait en bordure de route un hydravion et dans les bâtiments d’un brocanteur, le « Père Bernier » on pouvait voir quantité de meubles anciens et une cinquantaine d’horloges comtoises "ra-massées sur la campagne", après l’invasion par du mobilier formica. Cette manière de musée me fascinait.
Galopin en galoches
Comment vivions-nous dans les années 1930 ? Je suis un p’tit gars qui dévalait de la Place des Terrasses jusqu’à la Chère, un galopin en galoches, joyeux et déluré, qui sillonnait une ville où on allait encore à pieds. Je suis né dans le cambouis. Mon père, mécanicien, vendait et réparait les vélos, les machines à coudre et les fusils de chasse. Ma mère, sœur de Francis Courcoul, a été la première à monter à vélocipède. Elle s’était fait une jupe-culotte pour chevaucher cet engin du diable, comme disaient les bonnes sœurs. Moi j’ai eu la chance d’assister au passage du Tour de France à Châteaubriant. Il y avait un énorme Bibendum !
Les courses de vélos étaient une attraction formidable. J’ai pris le train pour la première fois en 1928, en troisième classe, pour aller aux courses à Soudan !
Le Tour de France était un événement national, on suivait publiquement les étapes. On se réunissait « chez Potiron » en haut de la Grand Rue. M. Potiron disposait d’un grand tableau. Le téléphone particulier n’existant pas encore, quelqu’un courait à la Poste voisine. L’affichage des résultats provoquait des débats sonores qui se terminaient au café d’en face chez Aillerie.
Francis Courcoul, avec le Cyclo-club castelbriantais, avait fait construire un vélodrome en terre battue, sur la route des Bas vers 1930. On y vit des champions, en particulier Tulot de Pierric, champion de France de vitesse. Et même on y fit des courses de vélos derrière moto.
Images d’Epinal
Au temps de l’internet, la galaxie Gutenberg est-elle en train de mourir ? Moi, autrefois, je faisais collection de buvards de différentes couleurs et des images du chocolat Cémoi. Ces images d’Epinal, c’était pour nous extraordinaire ! Il n’y avait que deux livres dans la maison de mon père, l’Almanach Vermot et la Case de l’Oncle Tom qui servait à caler le pied de la table. Par la suite j’ai vu apparaître les bibliothèques d’école. Les livres étaient un bien sacré : on les couvrait de papier bleu. On les manipulait avec respect. La bibliothèque municipale animée par Mme Bréant et la bibliothèque paroissiale au District Grande Rue, nous permettaient d’accéder aux livres.
J’ai connu le cinéma muet, salle de la mairie à Châteaubriant avec un gars qui « d’un piano pathétique concassait le silence ». Aller au cinéma : c’était une récompense extraordinaire !
Félix-le-Chat filait
Se léchant les babines.
Zig et Puce et Alfred
Pirouettaient dans les glaces
La première salle, gérée par M. Blais, située sur la place à l’arrière de la mairie, connut un succès énorme dans les années 30. Les enfants des écoles y virent « Verdun. Vision d’histoire », naissance du cinéma parlant en noir et blanc ! Je me souviens de Ben Hur qui présentait quelques brèves séquences en couleur. Ce fut pour moi une révélation !
Beaucoup plus tard parut la télévision. Cette invention appartenait à une autre époque ! La modernité ! On pourrait évoquer la mutation du phonographe, issu du gramophone avec son pavillon et ses disques à aiguille.
Pétrole et carbure
Chez mes parents on s’éclairait au pétrole, avec une lampe pigeon qui fumait. Puis mon père a utilisé des lanternes à l’acétylène avec un bec Bunsen. [L’acétylène est produit par une réaction chimique sur le carbure de calcium]. Les clients venaient chez mon père acheter « un quart de carbure » : un produit en poudre ou en granulés, qu’il fallait soigneusement garder au sec, dans un baril.
L’odeur nauséabonde répandue par ce produit gâtait nos repas. Les vélos étaient munis de petites lanternes au carbure ou même, simplement, d’une bougie.
La rue
Notre aire de jeu c’était la rue. Il n’y avait pas d’accident à craindre. Il passait parfois un cheval et une voiture. La maison Dauffy vendait du bois pour le feu dans l’âtre, ou du charbon : boulet barré pour les cuisinières, coke ou anthracite pour les poêles. Son concurrent, la maison Goodflesh près de l’église vendait l’été des boissons gazeuses (bières et limonades) lors des compétitions de fléchettes.
Dans les hôtels de la ville on indiquait « ici on loge à pied, à cheval, en voiture, bouillon à toute heure ». Je me souviens d’un hôtel dans la rue Porte Neuve. Un petit malin avait mis « bouillon d’onze heures ». Déjà des graffitis !
De Dion-Bouton
La première voiture, une de Dion-Bouton, je l’ai vue dans un garage de la rue de la Vannerie. On nous embauchait pour la lustrer, ce que nous faisions avec précaution. Avec quelques sous nous pouvions acheter ensuite du " jus de bois " … c’est-à-dire un bâton de bois de réglisse.
La Place des Terrasses était un haut lieu de la ville. On y trouvait le marché aux cochons. « Aux p’tits mossieurs, sauf le respect que j’vous douai’s » comme on disait. Avec un "parfum" particulier.
A l’Ecole des Terrasses, chaque semaine, une séance de gymnastique était « com-mandée » par un adjudant qui venait du 6-5 (régiment d’infanterie, caserne Cambronne Nantes). Il appliquait les recettes musclées destinées aux « bleus ». Il nous faisait courir jusqu’à épuisement dans le Jardin des Terrasses et nous infligeait des séances de pompes à même le gravier de la cour. J’étais toujours le dernier.
A l’école, on disait que j’étais trop bavard. J’avais un problème : je ne distinguais pas la droite de la gauche. « C’est quelle main, madame ? » demandais-je à la maîtresse. Ma mère avait cousu la poche gauche de ma culotte pour m’aider à savoir quelle était « la bonne main ». Mais incontestablement j’étais dislexique autrement dit gaucher contrarié.
La forge du père
Mes loisirs se passaient dans l’atelier de mon père. J’aimais tourner la meule émeri et tirer le soufflet d’une petite forge située dans la cour de notre maison.
Tourne la meule garçon
J’aime les étincelles
Ne les prend pas qui veut
J’étais jongleur d’étoiles
Au temps de mes galoches
L’eau y faisait foc-foc
En sautant les rigoles
Les jours de pluie
Dans mon quartier de Vannerie,
Copains perdus de mon enfance
Je vous relance
Du fond de mes soucis
Tourne la meule garçon
Je vous revois dans les yeux de mon fils
La vie tourne la meule émeri
Et dans la boutique
Du père serrurier
La forge ronfle et crache
A longueur de journée
Le feu d’artifice
Des clés rougies
Ouvreuses des mémoires.
Tourne la meule enfant
La vie nous pousse
Que veux-tu ?
Dieu te donnera
Les étoiles du forgeron des Cieux
Mol je tire le soufflet de mes jours
Comme un apprenti de l’Amour.
Le chemin de fer et le téléphone
J’ai connu toute l’animation liée au chemin de fer qui faisait de notre ville un important nœud de communication (jusqu’à 80 passages par jour !). Comme les autres gamins j’aimais me promener du côté de Renac. On y découvrait les manoeuvres des trains et, vers la Grenouillère, d’énormes machines parquées « en réserve ».
J’ai vu l’arrivée du téléphone : personne ne l’avait à la maison, il fallait passer par les demoiselles des PTT.
L’avion était pour nous un engin extraordinaire. Le premier que j’ai vu : celui du Zoo Circus, écrivait ces mots dans le ciel. Une brave dame, qui avait mal lu les affiches, ou mal compris, s’est précipitée chez mon père pour lui annoncer, effrayée, qu’il y aurait 100 000 Russes à Châteaubriant ! Plus tard il y eut à Châteaubriant une petite association d’aéronautique à l’initiative d’Yves Désormeaux qui organisa un meeting aérien à Châteaubriant ! Un événement !
A l’heure des tartines,
Du pain, du beurre, du chocolat,
La vieille rue se fait volière.
La mère épiait son gars, sa fille,
Au temps de mes sarraus serrés
De ceinture à la taille,
De mes deux sous,
De mes gâteaux cassés
Dans un cornet.
Ah ! corne d’abondance,
Chapeau magique sur le coeur,
Le meilleur est au fond
Quand le papier rend l’âme,
Et miettes dans ma paume,
Je léchais la poussière
Des agates d’azur.
Les agates d’azur
A l’époque nous jouions beaucoup et avec trois fois rien, à saute-mouton, aux barres, aux toupies et aux billes. Je faisais des pétoires avec une branche de sureau dont j’enlevais la moëlle.
Le plaisir c’était un petit gâteau, une pâtisserie. Le pâtissier du coin, M. le Rochais, vendait des gâteaux cassés, pour deux sous, dans un cornet de papier. Le meilleur était au fond, poussières de gâteaux et de sucre !
Les "agates d’azur" évoquent les billes bleues contenues dans la fermeture métallique des bouteilles de limonade. Quand la bouteille était cassée on nous donnait les billes et nous étions heureux.
Ai-je assez dit nos parties de bateaux
L’escadre de papier buvant la tasse
Et les digues de boue sous l’orage de juin
Crevant le long des caniveaux ?
J’ai connu la transformation des maisons. L’hygiène était relative, on se lavait soigneusement les parties visibles. Le reste : dans une cuvette, une fois par semaine. L’ouverture des Bains Douches municipaux, route de Vitré, fut applaudie. J’ai vu installer l’eau à la maison et l’électricité. Les photographes de l’époque, Lacroix, Yvon, ont édité les premières cartes postales.
La vie en ville était très monotone. On allait au boulot, on rentrait chez soi. Les ouvriers étaient très reconnaissables : ils étaient en bleu, avec leur vélo. Châteaubriant, à l’origine, était une ville rurale, animée le mercredi par le marché. L’industrie s’est montée autour de la famille Huard : 2000 ouvriers d’un coup, sur une génération. Cela a créé un problème de mentalités !
Le centre ville s’animait, se réveillait, le mercredi, avec le marché. On entendait les vaches arriver dès 5 h du matin sur la Place de la Motte. Le marché aux poulains se situait au pied du château, place Barbotin. Les porcs place des Terrasses, les chevaux boulevard des Marronniers. La volaille au Marché Couvert. Que de bruits dans la ville. La musique de la Guerche (les cris des gorets !) accompagnait les leçons à l’école des Terrasses.
Au Marché Couvert les paniers d’osier étaient disposés sur des planches à tréteaux : œufs, légumes, beurre, lapins et volailles Les moches de beurre étaient présentées sur des torchons écru. Elles étaient moulées et offraient des ornements floraux.
Les femmes apportaient les volailles à vendre, dans leur panier. Lors de l’Occupation les Allemands interdirent que les poulets soient attachés par les pattes. Mauvais traitements, disaient-ils !!!
Au cœur du marché, dans « la rue principale » on s’agglutinait autour du parasol sur le bord duquel étaient accrochés les succès du jour. « Le chaland qui passe » « Sombre dimanche » que l’on reprenait en chœur, accompagnant la goualante du vendeur et soutenus par un jazz-band poussif. Il n’y avait pas encore de micros !
Au marché on trouvait aussi les petits métiers : le ramoneur, le remplaceur de vitres, le rempailleur des chaises et les cocassiers, le vendeur e cordes à bestiaux et de chaudrons galvanisés.
C’est à cette époque, dans la rue Michel Grimault, que les Galeries de la Nouveauté (Moriceau-Martin) vers 1930 ont connu la prospérité. Elles faisaient une grande présentation de mode dans leurs vitrines. C’est là que j’ai vu les premiers mannequins de cire. Il a fallu tendre des cordes et mobiliser la police municipale pour canaliser la foule qui se pressait, ce soir-là, devant ces vitrines extraordinaires.
Madame Anna
Je me souviendrai toujours de Madame Anna, la porteuse de pain de la boulangerie Barbazanges.
De Barbazanges au Pont Saint-Jean
Allait venait poussait poussive
La charretée pains bis pains ronds
Vendait les miches à la coche
Du gris du frais à la pesée
De porte en porte de porche en porche
A tant porté le pain
Madame Anna, Madame Anna …
Elle disait de nous, les garnements de la rue, que nous étions des "encombre-boutique"
Aux journées commerciales, j’ai entendu pour la première fois un haut-parleur :
Si tous les cocus
Avaient des clochettes
Des clochettes au-d’ssus
Au dessus d’la tête
Ça f’rait tant d’chahut
Qu’on s’entendrait plus
(version expurgée ! Il en est une plus crue !)
Nous savions rire à l’époque. Mes maîtres sont Rabelais et Montaigne. Le rire est le propre de l’homme, le vin réjouit le cœur de l’homme. Nous vivions dans un monde joyeux où l’on se contentait de peu. Il fallait faire des économies avant de dépenser : nous ne vivions pas sous l’aiguillon du désir ! Les gamins s’amusaient d’une bobine de fil, d’une boite en carton, de décalcomanies … Période insouciante ou qui voulait effacer - est-ce possible ? - les souvenirs horribles de 14-18. Plus jamais la guerre car c’était la der des ders. Les gens savouraient les joies de la Paix revenue. Même le pacifisme faisait des progrès. Aristide Briand était au pinacle. On parlait même de la SDN (Société Des Nations).
Fêtes publiques
Les fêtes publiques et les fêtes religieuses cadençaient notre vie. Le premier janvier nous étions réveillés par « la Cipale » (la musique municipale) : elle venait offrir ses vœux dès potron-minet sous ses fenêtres, au député-maire Ernest Bréant, rue du Pélican.
Le 14 juillet voyait les retraites aux flambeaux, le concours de pêche du Gardon d’Herbe et le défilé des autorités et de la Cipale. L’après-midi avait lieu la fête sur la Place des Terrasses, avec des petits drapeaux partout. C’était l’occasion de compétitions des Voltigeurs en individuels ou en groupes. Le soir feu d’artifice devant le château. Je me souviens du Père Sicot courant pour allumer les feux de bengale. Et puis le bal populaire au Marché Couvert.
Les grands cirques montaient leurs chapiteaux derrière la mairie. Nous tournions autour dans l’espoir d’être embauchés pour trimballer les bancs. Nous récoltions parfois une place ! Au long de l’année des petits cirques en plein air faisaient des haltes plus longues. On se régalait pour rien.
Théâtre et cinéma
Rayon théâtre : un théâtre « en bois » s’installait pour l’hiver près de la mairie. Les Montanari jouaient le grand répertoire des mélodrames : le Bossu, la Porteuse de pain, etc.
Il y avait du cinéma à l’école des filles, à l’ancien collège Sainte Marie appelé « Collège A.Briand ». On obstruait le grand préau de l’école en tendant de grands draps noirs.
Dans la grange aux belles
Régnait le cinéma
Sous le préau des filles
Virait le vent des vignes vierges (…)
A travers les rideaux
Tendus en catafalque.
Les fêtes religieuses
A l’église, la grand messe du dimanche rassemblait les fidèles. Les gens de qualité montaient vers l’autel. Ils avaient leurs chaises. Autrefois même le nom était gravé sur une plaque de cuivre fixée sur l’appui du prie-dieu. Le menu fretin s’entassait dans les bas-côtés et le fond. Le bedeau chamarré (bleu pour les dimanches ordinaires, rouge pour les grandes fêtes) poussait les fidèles « Poussez, serrez vos chaires » (les chaises). Aux grandes cérémonies on distribuait le pain bénit. C’était le privilège des familles en vue.
Nous courions les baptêmes. Aux portes quand sonnaient les cloches on attendait la distribution : les dragées nous étaient jetées à la volée. Elles s’écrasaient souvent mais étaient bien bonnes !
Les enterrements étaient très suivis mais, arrivé devant le porche, du cortège s’évadaient quelques escouades qui se retrouvaient dans les cafés du coin.
Le dimanche était le jour du Seigneur. Le travail y était interdit sauf obligation. Mais l’on ne s’ennuyait pas. L’après-midi après Vêpres on faisait un tour de ville, une partie de lèche-vitrines. Il y avait « du monde dans le bourg » qui se promenait et se parlait !
Les fêtes religieuses étaient considérables. Il y avait la Semaine Sainte, le Chemin de Croix à l’église, Pâques, la Fête-Dieu avec les rues décorées et les reposoirs devant la mairie et place des Terrasses, et puis la Toussaint et Noël. Sur ces fêtes se greffaient des divertissements traditionnels.
A Carnaval et au Mardi Gras, les enfants se déguisaient, allaient acheter des masques, des pétards (ceux-ci n’étaient pas interdits), des serpentins et des confettis chez Bicot (gendre de Chapron).
La Semaine Sainte on promenait le bœuf gras (le beugras) dans le marché. Le Jeudi Saint les bouchers s’exposaient : grandes carcasses décorées de camélias et, sur le sol, des dessins à la sciure. Le Jeudi Saint après la cérémonie religieuse, on dressait au fond des églises un énorme reposoir pour y recevoir les hosties consacrées l’après-midi. Les enfants endimanchés faisaient la visite des trois reposoirs : St Nicolas, la Chapelle de l’hôpital et Béré.
Les deux Fêtes-Dieu, à un dimanche d’intervalle, donnaient lieu à des processions qui allaient d’un reposoir à l’autre : place des Terrasses, mairie, Nazareth. Les rues étaient admirablement décorées de sciures de différentes couleurs, de roseaux, de glaïeuls et de pétales de roses.
La Toussaint donnait lieu à des cortèges dans le cimetière et Noël était marqué surtout par les crèches. A cette époque le Père Noël n’avait pas encore apparu, pas plus que les sapins dans les maisons. Mais y avait-il des Arbres de Noël publics ?
La Foire de Béré
En septembre, la Foire de Béré et les Courses de Chevaux couronnaient la saison des fêtes. Nous allions dans le Champ de Foire suivre de près les préparatifs et déchiffrer les petits piquets qui indiquaient l’emplacement des manèges et des attractions. Des jours de grande effervescence avant la rentrée …
L’entrée était gratuite. On y venait de dix lieues à la ronde. On suivait les concours de bovins (la race Maine-Anjou), des ovins et des chevaux et poulains. Y avait-il un début de foire-exposition ?
On retrouvait sur la place des Terrasses les manèges de Béré : les pousse-pousse et « Les vagues de l’océan », les autos tamponneuses et surtout la nouveauté : le tapis roulant ! [Maintenant il n’y a plus de manèges : les riverains ne supportent pas le bruit …]
Les Manouches
Les Manouches c’était aussi tout un monde. Ils logeaient « aux Planches ».
Quand les prisonniers de guerre ont été envoyés en Allemagne, ils ont été remplacés au Camp de Choisel par les Manouches : il ne restait guère que des femmes. Les hommes étaient mobilisés. Ils étaient des Français ! Donc scandale. Beaucoup hélas sont passés par les camps de concentration et ... les chambres à gaz
Te souvient-il petite enjuponnée
De ce camp de Choisel et de ses barbelés
L’orgue de Barbarie de ma mémoire
Hoquette et grince
Et dans la nuit se noie la fantasmagorie
Des verdines vacillant sous la pluie.
Cette vie d’enfance était heureuse et insouciante. Nous avions le sentiment qu’il n’y aurait plus de guerre.
Mais à partir de 1935 l’horizon s’est assombri. Après l’Apocalypse de 40-45, les gens ont été obsédés par la destruction des êtres et du monde. Ne vivons-nous pas maintenant dans le pessimisme, empêchant de donner aux gens le goût de la vie ? Gabrielle
Avec une grande discrétion Yves Cosson n’a pas voulu ajouter l’essentiel pour lui :
L’ensemble de son œuvre poétique est dédiée à son épouse Gabrielle.
Qu’y a-t-il entre toi et moi ?
Une jacinthe au cœur d’azur
Les cavaliers d’Apocalypse
Ne peuvent rien contre nous … (…)
Ton ombre Gabrielle
Commun un manteau de nuit
Tendu sur les hameaux de barrière en palis
Se pare de tendresse et de chatons de saule
Cette causerie évoquait la vie des années 30. Notre ami s’est marié en 1946 (après un séjour de cinq ans dans l’Allemagne d’Hitler, mais ça, c’est une autre histoire)
Septembre 1939 la mobilisation
Mai 1940, à Nantes, l’aspirant Cosson devait instruire les jeunes recrues et monter au front. Mais ce sont les Allemands qui sont descendus. « Alors commença la grande aventure entre Brême, Hambourg, Hanovre, Stalag XIB Fallingbostel matricule 85 440. Toutes les corvées, tous les métiers. Mauvais esprit. J’ai bu Bergen-Belsen (l’enfer) libéré par les Anglais. J’ai fréquenté des prisonniers de toutes (ou presqueà nationalités. Je connais le prix de la liberté libre, les dimensions de l’amour et de la haine du prochain, le poids de la solitude et de la séparation, les monstruosités d el’animalité de l’être, l’angoisse de l’attente, la force de l’Esprit et de l’Espérance. Je hais la guerre. J’ai toujours voulu être un homme de paix, de partage et d’accueil. La promiscuité ne me gêne pas, mais le plaisir de sa laver fait partie des biens élémentaires. J’ai appris aussi à « voyager peu chargé » et à savourer les choses les plus simples. Entre les barbelés, personne ne pouvait vraiment tricher. J’ai ai essentiellement contracté l’amour de la vie et de la liberté, l’amour de l’amour, la valeur infinie de chaque vie.
Car nous avons pénétré très loin dans le mystère de la mort ..." détruire, dit-elle " Dans un hiver , six mille morts sur huit mille parmi les Russes et tous, enterrés nus, morts, pas morts, par charretées … Le typhus dans les baraques entourées de barbelés. Et les bombardements nocturnes. Des feux d’artifice géants … et Bergen-Belsen vision obsédante.
Après cela dire le Bonheur de vivre en sursis chaque jour que Dieu donne. »
Dernier message
Soyez des hommes libres
Aimez la vie
Il y a tant de gens sur terre
qui ont besoin de vous
Passant pressé
Ne hâte pas le pas
Le temps presse, dis-tu ?
N’as-tu pas tout le Temps pour toi ?
Je t’apprendrai à déambuler dans la vie
Comme dans la Ville : à volonté
Et nous jouerons à qui perd, gagne…
Trop cruelle la vie qui se vit seul.
Le poète est un marchand de plaisirs qui ne coûtent rien. Il suffit d’avoir la patience d’écouter. Comme ces pâtisseries craquantes sous la dent, les poèmes se savourent. Ils vous mettent l’eau de la vie à la bouche. Ils disent la tendresse du cœur, la fantaisie des rêveries, la beauté du monde, la douceur des regards d’enfants, le charme du sourire des femmes.
Marchand de plaisirs,
Marchand d’oublies,
Donneur de joie,
Le colporteur des merveilles passe …
Et au plaisir !
Poèmes d’Yves Cosson
P.-S.
Livres :
(1) Regards sur une ville, Châteaubriant Yves Cosson, Yves Billard En vente en libraries
Né natif, y revenant, par Yves Cosson Recueil de poèmes sur Châteaubriant En vente à l’Office de Tourisme de Châteaubriant
Et tous les recueils de poèmes d’Yves Cosson