MITTELBAU-DORA était un camp de concentration et d’extermination par le travail, un des camps les plus meurtriers du IIIe Reich. D’août 1943 à avril 1945, près de 9 000 déportés de France ont creusé des tunnels pour installer un site industriel et assembler les pièces de fusées V2 censées anéantir l’Angleterre depuis le Pas-de-Calais. Dora est l’usine-camp souterraine où la machine du guerre la plus secrète nazie exploite et tourne à plein.
Ordre d’Himmler : personne ne doit sortir vivant de Dora. Soixante mille hommes de toutes nationalités connaîtront l’enfer de Dora pendant ses vingt mois d’existence, vingt mille en mourront.. Documentaire
Neuf résistants de Fercé et des environs y sont passés. Le « livre des 9000 déportés » rappelle leur parcours. L’association des Résistants Déportés de Rougé-Fercé -Soulvache se souvient des personnes qui ont ainsi donné leur vie pour que la France résiste.
Jules Cavé
CAVE Jules, matricule 9488 à Mittelbau-Dora ; Né le 20 août 1898 à Fercé en Loire Inférieure, marié sans enfant, exerce la profession de forgeron.
Depuis le 1er septembre 1943, il est membre du réseau Oscar Buckmaster, chef de groupe de Fercé. Le 28 mars 1944, il est arrêté par la Gestapo pour deux parachutages d’armes. Il est incarcéré à Angers jusqu’au 12 avril 1944 puis transféré au camp de rassemblement de Compiègne-Royalieu (Oise) où il reçoit le numéro 31810.
Un mois plus tard, le 12 mai 1944, il fait partie du convoi de 2073 hommes qui sont déportés en Allemagne. Le voyage dure 3 jours et 2 nuits, dans des conditions très éprouvantes physiquement et psychologiquement, sans eau, sans air et dans l’attente du sort qui leur est réservé. Le 14 mai, le train s‘arrête en fin d’après-midi et les portes s’ouvrent. Jules Cavé est arrivé à Buchenwald. Là, on lui attribue le matricule 49488.
Trois semaines plus tard, le 6 juin, il est affecté à Wieda, siège de la Baubrigade 3 composée de Kommandos de détenus chargés de la construction de routes et de voies ferrées. Le travail est pénible mais la vie au camp est moins dure que dans certains autres. D’ailleurs, le commandant
Karl Völkner, ayant été jugé trop « indulgent » par les SS, est remplacé à la fin du mois de juillet et tous les détenus sont déplacés, le plus souvent à Dora, ce qui est le cas de Jules Cavé.
Le 16 décembre 1944, il entre au revier (infirmerie) de Dora, il souffre d’une péritonite (il avait été opéré d’une appendicite quatre mois plus tôt). Jules Cavé décède le même jour à 19h45.
Arsène GAUTIER
GAUTIER Arsène, matricule 101208 à Mittelbau-Dora. Fils de Louis Gautier et de Joséphine Lévêque, son épouse, Arsène Gautier est né à Fercé le 2 mai 1915 Il est célibataire, ouvrier agricole, domicilié à Fercé.
Il appartient au réseau Oscar Buckmaster depuis mars 1943, recruté par Raoul Giquel (51238) pour réceptionner des parachutages d’armes et de matériel. Deux parachutages d’armes ont lieu sur un terrain appartenant au fermier Lévêque son grand-père, au lieu-dit La Lande de Soulvache, près de Rougé. Sept tonnes de munitions sont récupérées et cachées.
Arsène Gautier est arrêté le 28 mars 1944 par la Gestapo à Fercé, sur dénonciation, le même jour que Louis Plessis (49 480), Raoul Giquel, Jules Cavé (49488), Francis Gautier ( 51239) et son frère Félicien (51402) et aussi Lucien Plessis et Marcel Guibert.
Il est interné à la prison du Pré-Pigeon à Angers le 28 mars 1944, puis transféré à Compiègne le 13 avril 1944 (numéro 31817) et déporté de Compiègne le 12 mai 1944 dans un convoi de 2073 hommes à destination de Buchenwald où il arrive le 14.
Devenu le matricule 51659, le 6 juin 1944, il est affecté au Kommando de la SS Baubrigade 3 à Wieda où les détenus sont chargés de construire une voie ferrée. Après l’arrestation du commandant du camp par les SS, tous les détenus sont conduits à Dora le 30 juillet 1944.
Arsène Gautier est ensuite envoyé à Harzengen, le 12 août, puis le 15 au camp d’Ellrich pour y être employé au chantier B11 à Nierdersachswerfen. Arsène Gautier meurt d’épuisement à Ellrich le 8 janvier 1945.
Félicien Gautier
GAUTIER Félicien, matricule 51402 à Mittelbau-Dora, est né à Fercé le 27 avril 1907, fils de Louis Gautier et de Joséphine Lévêque. Cultivateur, il réside dans son village natal.
Membre du réseau Oscar Buckmaster depuis le 1er septembre 1943, il participe à la réception des parachutages d’armes, notamment sur le terrain des Grés à Soulvache. Il est sous les ordres de Morvan à Rougé (Loire Inférieure). Chaque soir, il attend que la radio lui envoie un message codé : « les fruits passeront la promesse des fleurs, ou la nichée de petits lapins se porte bien » afin de récupérer les armes.
Il est arrêté par la Gestapo le 28 mars 1944 à Fercé avec son frère Arsène (51659) pour faits de résistance. Emmené à Angers le jour même, il est transféré au camp de rassemblement de Compiègne le 12 avril. Il y est inscrit sous le matricule 32818.
Un mois plus tard le 12 mai 1944, Félicien fait partie des 2073 hommes qui quittent la France pour la déportation en Allemagne. Il embarque avec plus de 100 autres personnes dans un wagon à bestiaux, sans eau, sans air, par une chaleur étouffante. Le 14 mai, il arrive à Buchenwald, première étape de sa détention et on lui attribue alors le matricule 51402.
Trois semaines plus tard, le 6 juin, il est affecté à Wiéda, siège de la Baubrigade 3, composée de kommandos de détenus astreints à la construction de routes et de voies ferrées. Le camp est en cours d’installation et il loge dans une immense grange remplis de châlits empilés par 5 ou 6 .
Le 30 juillet 1944, le commandant du camp, jugé trop laxiste, ayant été démis de ces fonctions, tous les détenus sont déplacés. Félicien Gautier est envoyé à Dora, à l’usine du tunnel, probablement au montage des bombes volantes V1. Il est logé au block 124. Il y reste jusqu’au 4
avril 1945, date de son évacuation. Il arrive à Bergen-Belsen le 9 avril, au « camp des casernes ». Le 15 avril, les Britanniques le libèrent. Il est rapatrié en France le 10 mai 1945 par le Lutetia.
Le 23 novembre 1948, Félicien Gautier épouse Georgette Lefeuvre à Fercé et c’est là qu’il décède le 31 décembre 1965.
Francis Gautier
GAUTIER Francis, matricule 51239 à Mittelbau-Dora. Fils de Jean-Marie et Marie-Françoise Peslerbe, cultivateurs, Francis Gautier est né le 8 octobre 1921 à Rougé. Célibataire et cultvateur lui aussi, il réside chez ses parents à la Buchetière à Fercé. Elève gendarme à l’école de Romans, il est arrêté par la Gestapo le 28 mars 1944, pendant une permission, au domicile parental, en même temps que son frère Georges (50995) et d’autres camarades dont Marcel Guibert (51654) et Louis Plessis (49480).
Membre du réseau Oscar Buckmaster depuis le 1er septembre 1943, il est accusé de parachutages d’armes. Il participe en effet à la résistance du secteur de Châteaubriant, sous les ordres de Marcel Letertre. Il est d’abord incarcéré à Angers avant d’être transféré au camp de Compiègne le 12 avril 1944 où il est inscrit sous le numéro 31819. Le 12 mai, il est déporté en Allemagne dans un convoi ferroviaire composé de wagons à bestiaux dans lesquels les prisonniers sont entassés, sans eau, sans air, par une chaleur étouffante. Le 14 mai, il débarque à proximité de Buchenwald ; Francis Gautier devient alors le matricule 51239 et se déclare instituteur. Trois semaines plus tard, le 6 juin, il est envoyé à Wiéda, siège de la Baubrigade 3, composée de Kommandos de détenus affectés à la construction de routes et de voies ferrées. Le jour de son arrivée, le commandant leur annonce le débarquement en Normandie.
Le camp est en cours d’installation et il loge dans une immense grange remplie de châlits empilés par 5 ou 6. Le 30 juillet 1944, le commandant jugé trop laxiste, ayant été démis de ses fonctions, tous les détenus sont déplacés, le plus souvent à l’usine souterraine de Dora, ce qui est le cas de Francis Gautier. Il travaille probablement au montage des bombes volantes V1 jusqu’au jour de l’évacuation du camp. Le 4 avril 1945, il quitte Dora pour arriver au « camp des casernes » de Bergen-Belsen le 9 avril. Les Britanniques les libèrent le 15 avril 1945. Très amaigri et souffrant d’une pneumonie, il est rapatrié en France le 17 mai par le Lutétia.
Le 21 mai 1947, il épouse Paulette Ragueneau à Fercé. Il décède à Châteaubriant le 18 mai 1991.
- Wieda
Georges Gautier
GAUTIER Georges ; matricule 50995 à Mittelbau-Dora. Né à Rougé le 29 janvier 1923, fils de Jean-Marie, cultivateur, et Marie-Françoise Peslerbe. Célibataire il réside chez ses parents à la Buchetière à Fercé, et travaille également dans l’agriculture.
Membre du réseau Oscar Buckmaster depuis le 1er septembre 1943, il participe à des parachutages d’armes. Il est arrêté le 23 mars 1944 à Fercé par la Gestapo, en même que son frère Francis (51239). Georges Gautier est d’abord emprisonné à Angers du 28 mars au 12 avril 1944 avant d’être transféré au camp de rassemblement de Compiègne, où il reçoit le numéro 31820.
Un mois plus tard, il fait partie du convoi qui emmène, le 12 mai 1944, 2073 hommes en déportation en Allemagne. Après 3 jours et 2 nuits de voyage dans des conditions très éprouvantes, il débarque à Buchenwald ; là, il devient le matricule 50995.
Trois semaines plus tard, le 6 juin, il est envoyé à Wiéda, siège de la Baubrigade 3, composée de Kommandos de détenus affectés à la construction de routes et de voies ferrées. Le jour de son arrivée, le commandant leur annonce le débarquement en Normandie. Le camp est en cours d’installation et il loge dans une immense grange remplie de châlits empilés par 5 ou 6. Le 30 juillet 1944, le commandant jugé trop laxiste, ayant été démis de ses fonctions, tous les détenus sont déplacés. Georges Gautier est affecté à Dora, à l’usine du tunnel puis revient à Wiéda.
Selon son frère, il serait parti de Dora le 1er avril 1945 dans un camion de malades envoyés à Nordhausen, à la Boelke Kaserne. Il disparaît en avril 1945, peut être pendant les bombardements. Son décès est officialisé le 27 mars 1947 et il est élevé au grade de sous-lieutenant à titre posthume le 25 octobre 1947.
- Dans le tunnel de Dora
Raoul Giquel
GIQUEL Raoul, matricule 51238 à Mittelbau-Dora. Fils de Léon Giquel, entrepreneur de travaux publics, et de Nathalie Moquet, ménagère, Raoul Giquel est né le 12 novembre 1915 à Fercé. La même année, son père est mobilisé comme sergent fourrier au 264è régiment d’infanterie.
Sous l’occupation, Raoul Giquel réside dans sa commune natale et exerce la professIon de menuisier-ébéniste. C’est à Erbray qu’il est arrêté le 31 mars 1944 par la Gestapo pour appartenance au réseau Oscar Buckmaster et participation à des parachutages d’armes. Il est détenu à Angers du 1er au 12 avril 1944 avant d’être envoyé au camp de rassemblement de Compiègne (numéro 31821).
Un mois plus tard, le 12 mai 1944, Raoul Giquel embarque avec 2072 autres hommes, en gare de Compiègne, dans un convoi de déportation à destination de l’Allemagne ; il arrive au camp de concentration de Buchenwald le 14 mai 1944 et on lui attribue le matricule 51238.
Trois semaines plus tard, le 6 juin, il rejoint le camp de Wiéda ou il dit avoir été à peu près bien nourri. C’est le siège de la Baubrigade 3, brigade de construction chargée de l’aménagement des routes et des voies ferrées. Les détenus travaillent 12 heures par jour, par tous les temps, mais la vie des camps est moins dure qu’ailleurs.
Le 30 juillet, Raoul Giquel est affecté à Dora. Il y est chargé du terrassement puis employé à la menuiserie. Il y est resté jusqu’au 30 octobre avant d’être transféré au Kommando de Kleinbodungen. Ce site, desservi par un embranchement ferroviaire, est créé pour procéder au montage des fusées V2. Le kommando venant de Dora doit d’abord débarrasser les bâtiments des traces de leurs activités antérieures (c’était une usine de munitions) puis il est chargé de récupérer les éléments susceptibles d’être réutilisés sur les V2. Ceux-ci sont ensuite envoyés aux entrepôts de l’usine du tunnel.
- Le tunnel de Dora
Les travaux s’effectuent dans un contexte d’urgence, d’improvisations, de violence, sans grands moyens matériels. Les détenus vivent jours et nuits sous terre
dans les conditions les plus déplorables. La mortalité est considérable. 2 882 cadavres –dont 25% sont ceux de Français- sont expédiés au cours de cette période vers le crématoire de Buchenwald et 3 000 détenus malades sont éliminés par des transports en direction de Maïdanek et Bergen-Belsen.
Le 4 avril 1945, le camp est évacué. Raoul Giquel doit effectuer, à pied, le trajet de Kleinbodungen à Bergen-Belsen ou il arrive le 11 avril ; 25 à 30 km par jour, une véritable « marche de la mort » avec les « traînards » qui sont abattus en route. Dirigé vers le « camp des Kasernes », il y est libéré le 15 avril 1945 puis rapatrié en France.
Il raconte : « Quand je suis arrivé à Châteaubriant, 2000 personnes m’attendaient, guettant des nouvelles des autres : j’étais le premier à rentrer des camps de concentration. J’étais si amaigri, si diminué, si changé, que ma mère et ma sœur ne me reconnaissaient pas. Il m’a fallu des mois d’hospitalisation, des soins intensifs de ma famille, une ré-alimentation progressive et me voilà survivant alors que tant d’autres sont morts ».
Le 21 avril 1947, à Fercé, Raoul Giquel épouse Marie Ragueneau. En 1996 il publie le récit « Le prix de la Liberté » dont les bénéfices ont servi à ériger le monument du souvenir à Fercé. Raoul Giquel est décédé le 7 mai 1997.
Marcel Guibert
GUIBERT Marcel, matricule 51654 à Mittelbau-Dora. Marcel Guibert est né le 13 mars 1921 à Fercé. Marié depuis le 28 septembre 1943 avec Denise Plessis et père d’un enfant, « Michel », il exerce la profession de forgeron dans sa ville natale
Membre du réseau Oscar-Buckmaster depuis le 1er septembre 1943, il participe à des parachutages d’armes les 13 octobre et 12 novembre. Dans la région de Châteaubriant, le réseau est dirigé par Marcel
Letertre.
Marcel Guibert est arrêté le 28 mars 1944 à Fercé par la Gestapo avec tout le groupe de la commune : Louis Plessis (49480) son beau-père et son beau-frère
Lucien (51653), Pierre Morvan, Félix et Roger Lévêque, Raphaël Gicquel, Joseph Esnault, Jules Cavé (49488), Francis Gautier (51239), et son frère Georges (50995), Félicien Gautier (51402), et son frère Arsène (51659).
Marcel Guibert est incarcéré à Angers (Maine et Loire) jusqu’au 12 avril 1944, puis à Compiègne Royallieu dans l’Oise (matricule 31823). Il est déporté de Compiègne le 12 mai 1944 dans le convoi de 2073 hommes dirigé vers Buchenwald où il arrive le 14 mai 1944. Devenu le matricule 51654, il est affecté le 6 juin 1944 au kommando de la SS Baubrigade 3 à Wiéda, le 30 juillet 1944, après l’arrestation du commandant du camp, tous les détenus de Wieda sont envoyés à Dora. Logé au block 138, il est admis au revier (Infirmerie) du 4 au 16 octobre.
Marcel Guibert est évacué le 5 avril 1945
dans un convoi qui parvient à Ravensbruck le 14 avril (matricule 13668). A nouveau évacué le 26 avril 1945, il est libéré par les troupes américaines le 2 mai 1945.
Il est rapatrié le 22 mai 1945. Il est parti jeune homme, il revient mutilé de guerre, grand invalide, à la suite des privations et des sévices subis. « Vous étiez de ceux qui ont lutté pour que notre patrie soit libérée. C’est au courage de ses combattants que la France a dû de retrouver honneur et dignité et de participer à la victoire finale » lui écrit André Bord, secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants en lui témoignant sa reconnaissance pour « la permanence des valeurs que tout un peuple qui ne veut pas mourir doit toujours rester prêt à défendre »
Marcel Guibert est décédé le 15 janvier 1997 à Chateaubriant.
Marcel Guibert est le gendre de Louis Plessis et le beau-frère de Lucien Plessis.
Marcel Guibert est arrêté à la ferme de la Pile à Fercé, au domicile de Louis Plessis son beau-père.
Louis Plessis
PLESSIS Louis, matricule 49480
à Mittelbau-Dora. Fils de Louis Plessis et de Françoise Clergeau, Louis Plessis est né le 14 juin 1893 à
Moisdon-la-Rivière. Il est appelé au service militaire en 1913 puis combat pendant la première guerre mondiale. Marié et père de 8 enfants, il est agriculteur à Fercé,
Entré dans le réseau de résistance Oscar Buckmaster le 1er septembre 1943, Louis Plessis participe aux parachutages sur le terrain de la Grée à Soulvache en septembre et novembre 1943. Ces messages étaient codés : « les fruits passeront la promesse des fleurs » et « la nichée des petits lapins se porte bien ».
Le 28 mars 1944, il est arrêté par la Gestapo, dans sa ferme de la Pile, à Fercé, avec son fils Lucien (51653), également membre du réseau Oscar Buckmaster. Jules Cavé (49488), Arsène Gautier (51659), Raoul Giquel (51238), Marcel Guibert (51654) .... qui appartiennent au même groupe sont également appréhendés et seront déportés dans les mêmes conditions.
Louis Plessis est interné à Angers (Maine et Loire) puis envoyé, le 12 avril 1944, au camp de rassemblement de Compiègne dans l’Oise ou il reçoit le numéro 31833. Le 12 mai 1944, il est déporté avec son fils Lucien, dans le 9e grand convoi qui quitte Compiègne pour Buchenwald. Avec 2073 déportés, c’est quantitativement le plus important parti de France à destination de ce camp de concentration. Lorsqu’ils arrivent deux jours plus tard, 2051 sont enregistrés. A l’entrée au camp, Louis Plessis est inscrit sous le matricule 49480.
Des déportés qui ont rejoint Buchenwald, 1369 seront transférés et immatriculés à Mittelbau-Dora et près de la moitié disparaîtra.
Le 6 juin 1944, Louis Plessis est transféré avec 699 autres camarades à la SS Baubrigade 3, à Wiéda dont l’activité est la construction d’une voie ferrée appelée le Helmetalbahn. Mais après l’arrestation du commandant du camp Karl Völkner jugé trop indulgent par les SS, il est dirigé comme les autres vers le tunnel de Dora, le 30 juillet1944, et probablement employé au montage des V1. Placé au block133, il est admis au revier (infirmerie) du camp du 9 au 12 janvier 1945 en provenance du Kommando 176. Il y survit de longs mois.
Le 5 avril 1945, Louis Plessis est évacué dans le dernier convoi, celui des « spécialistes » qui part du camp de Dora. Le transport erre plusieurs jours avant d’atteindre Ravensbruck, le 14 avril 1945 vers 16h. A son arrivée, il est inscrit comme électricien sous le matricule 15708.
Devant l’arrivée des troupes soviétiques, les Allemands procèdent à l’évacuation à partir du 26 avril 1945. Louis Plessis quitte le camp à pied, dans une colonne encadrée par les SS réservistes plutôt inoffensifs, qui veulent aller le plus loin possible vers l’Ouest pour échapper aux soldats soviétiques. Au cours du trajet, les colonnes se dispersent en petits groupes.
Louis Plessis est libéré le 2 mai 1945 par les soldats américains. Il est rapatrié en France, le 22 mai 1945, par le centre d’accueil de Valenciennes (Nord). Il rentre amaigri de 17 kg, souffrant des séquelles d’une bronchite et d’un traumatisme à l’annulaire. En 1950, il a repris sa profession d’agriculteur à Fercé.
Louis Plessis est décédé dans ce village le 8 décembre 1964.
- Les marches de la mort Dessin de l’ancien détenu Maurice de la Pintière, 1945, après la libération, détail. Mémorial du camp de concentration de Mittelbau-Dora
Lucien PLESSIS
PLESSIS Lucien, matricule 51653 à Mittelbau-Dora. Fils de Louis Plessis et de Germaine Bordier, Lucien Rémi Plessis est né à Fercé le 28 mars 1922. Célibataire, il y travaille comme agriculteur. Il est membre du réseau Oscar Buckmaster depuis le 1er septembre 1943, sous-lieutenant des forces françaises combattantes. Il participe aux parachutages d’armes, sur le terrain des Grés en Soulvache, à l’écoute des messages comme « les fruits passeront la promesse des fleurs » ou « la nichée des petits lapins se porte bien ».
La ferme de son père est encerclée (la Pile) dans la nuit du 27 au 28 mars 1944 ; Marcel Guibert le beau-frère de Lucien (51654), Louis Plessis son père (49480) et Lucien Plessis sont arrêtés par la Gestapo.
Lucien est incarcéré à Angers du 28 mars au 12 avril 1944, conduit à Compiègne (Oise) ou il est détenu jusqu’au 12 mai 1944 (matricule 31834). Il est déporté de Compiègne à cette date dans le convoi de 2073 hommes dirigé vers Buchenwald où il arrive le 14 mai 1944. Il y reçoit le matricule 51653.
Le 6 juin 1944, il est envoyé au Kommando de la SS Baubrigade 3 à Wieda où les prisonniers sont chargés de construire une voie ferrée. Après l’arrestation du commandant du camp par les SS, tous les détenus sont conduits à Dora le 30 juillet 1944.
Logé au Block 132 et affecté au kommando 163, il effectue un premier séjour au revier (infirmerie) entre le 11 et le 27 novembre 1944. Atteint d’une pneumonie, Lucien Plessis y entre à nouveau le 16 janvier 1945 pour y mourir le 5 février 1945 à 9 heures.
Oscar Buckmaster
D’autres résistants de Fercé, Rougé, Soulvache ont appartenu au réseau Oscar
Buckmaster. Citons :
ESNAULT Joseph, résidant près de Guibœuf, arrêté le 30 novembre 1943 à son domicile, puis emmené à la prison Jacques Cartier à Rennes, mort à Neuengamme.
GICQUEL Raphaël, résidant à Guiboeuf, arrêté le 30 novembre 1943 à son domicile, puis emmené à la prison Jacques Cartier à Rennes, mort à Lubeck
LEVEQUE Félix, les Landes à Soulvache, arrêté le 30 novembre 1943 à son domicile, puis emmené à la prison Jacques Cartier à Rennes, mort à Neuengamme
LEVEQUE Roger, les Landes à Soulvache, arrêté le 30 novembre 1943 à son domicile, puis emmené à la prison Jacques Cartier à Rennes, mort à Neuengamme.
MORVAN Pierre, Rougé, arrêté le 30 novembre 1943 à son domicile, puis emmené à la prison Jacques Cartier à Rennes, déporté à Ravensbruck, mort entre Dora et Bergen-Belsen,
GAUTIER Joseph, né à Rougé né le 26 décembre 1912 à Rougé (44), décédé le 28 janvier 1945 à Mauthausen
Number One
Un résistant trop peu connu est lui aussi originaire de Rougé : Rogatien GAUTIER, né le 14 mai 1917 à la ferme du Bois-Bonin à Rougé, entré au réseau Mithridate en juin 1941 (il avait 24 ans) comme agent de transmission, chargé des liaisons radio avec Londres et Lisbonne. Une vie de clandestin, toujours sur le qui-vive. Les Anglais l’avaient surnommé Number One.
L’homme était tellement apprécié qu’il fut un jour chargé d’aller récupérer cent kilos de cartes d‘état-major des départements du Nord et du Pas de Calais. Puis on lui demanda d’émettre sur un appareil dénommé « Ayesha ». Il découvrit plus tard que l’ennemi captait ses émissions. Tout cela faisait partie, à l’insu de Rogatien Gautier, de l’opération « Fortitude », plan de campagnes et de manœuvres d’intoxication tendant à faire croire aux Allemands que le débarquement essentiel se réaliserait dans le Pas-de-Calais. Rogatien Gautier fut ainsi délibérément sacrifié, arrêté par la Gestapo, torturé, condamné à mort et mis dans un wagon à bestiaux en partance pour un camp de la mort du Grand Reich. Mais la Résistance belge réussit à intercepter le train le 3 septembre 1944.
Rogatien Gautier put alors se rendre dans Paris libéré. Il reprit ses missions de renseignement en Alsace puis en territoire allemand. Le 11 avril 1945, Rogatien Gautier entra avec les Américains au camp de Buchenwald. « Tout était pire que le pire.(..) La cruauté avait dépassé toute imagination d’homme. J’ai pu voir, dans la villa du commandant du camp, le célèbre abat-jour confectionné par sa femme avec des peaux tatouées prélevées sur les détenus ».
(Livre Agent Number One, par Rogatien Gautier et Jacqueline Fournier, Editions France Empire),
Sources :
♦ Le livre des 9000 déportés de France à Mittelbau-Dora par Laurent Thiery
Fruit de près de deux décennies de recherches, du recoupement de milliers d’archives, de la mobilisation sans précédent d’historiens, de professeurs, d’archivistes, de bénévoles, Le Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora rend enfin justice à l’engagement et au combat mené par les déportés contre le nazisme.
♦ Document sur Wieda :
voir le site dora-ellrich
♦ Description du camp de Dora :
voir le site jean-maridor
♦ Les conditions de travail à Dora :
voir le site d-d.natanson (lire un extrait ci-contre)
Vivre et mourir à Dora
Les galériens des fusées travaillaient sans cesse au péril de leur vie (sans compter le sadisme des SS et des Kapos). Ce tunnel, au début, ils le perçaient, l’agrandissaient, l’aménageaient, presque sans outils, avec leurs mains. Les transports de pierre et de machines étaient faits dans des conditions épouvantables. Le poids des machines était tel que ces hommes, à bout de force, d’énergie, ces squelettes ambulants, mouraient souvent écrasés sous leurs charges. La poussière ammoniacale brûlait les poumons. La nourriture ne suffisait pas à permettre la vie organique la plus végétative. Les déportés trimaient dix-huit heures par jour (douze heures de travail, six heures de formalités et de contrôles). Ils dormaient dans le tunnel. On creusa des alvéoles : 1024 prisonniers affalés dans ces alvéoles étages sur quatre hauteurs et sur une longueur de cent vingt mètres.
Les déportés ne voyaient le jour qu’une fois par semaine à l’occasion de l’appel du dimanche. Les alvéoles étaient continuellement occupés, l’équipe de jour chassant l’équipe de nuit et vice versa. Des ampoules électriques, très faibles, éclairaient des images de cauchemar. Il n’y avait pas d’eau potable. On se jetait où l’on pouvait trouver de l’eau, et où, par exemple, goutte à goutte, se rassemblaient les condensations. On lapait liquide et boue dès qu’un SS tournait le dos, car il était interdit de boire l’eau non potable
Dans le tunnel, froid et humidité étaient intenses. L’eau qui suintait des parois provoquait une moiteur écœurante et permanente. Transis, nous avions l’impression que nos corps décharnés moisissaient vivants. Des prisonniers devinrent fous, d’autres eurent les nerfs saccagés quand l’installation progressa : le vacarme inouï qui régnait fut une des causes de ces dérèglements — bruit des machines, bruit des marteaux-piqueurs, de la cloche de la locomotive, explosions continuelles, le tout résonnant et répercuté en des échos sans fin par le monde clos du tunnel. Pas de chauffage, pas de ventilation, pas le moindre bac pour se laver : la mort pesait sur nous par le froid, des sensations d’asphyxie, une pourriture qui nous imprégnait.
Quant aux chiottes, ils étaient faits de fûts coupés par le haut sur lesquels une planche était installée. Ils étaient placés à chaque sortie des rangées d’alvéoles où nous couchions.Souvent, quand des S S apercevaient un déporté assis sur la planche, ils le fixaient, ricanaient, s’approchaient et, brusquement, le précipitaient dans le fût. Alors, c’était des déchaînements de joie. La farce était trop drôle. Irrésistible ! Jamais ces messieurs n’avaient tant ri. D’autant que tous les déportés souffraient de dysenterie... Alors, recouvert de merde, partout, du crâne aux pieds, sans mot dire, le pauvre type partait, plus désespéré que jamais ; il partait rejoindre son alvéole, sa file de bagnards ; il allait empester ses copains, se vautrer dans la poussière pour se nettoyer, car il n’avait aucun moyen de se laver. La nation la plus propre du monde, cette Allemagne exemplaire pour les soins corporels, l’hygiène, n’avait rien prévu pour ses régiments d’esclaves. (extrait)