DEUX CENTS ANS APRÈS … à propos du livre "LES CHAPELLIÈRES
LES CHAPELLIERES : une sacré tranche d’histoire locale qui se dévore tout d’un trait, comme un roman, et qui pourtant n’en est pas un.
Deux familles , celle des notables les DEFERMON, et celle de leurs métayers les TERRIEN . Deux hommes : Jacques DEFERMON, le notable, fils de l’ancien Maire de Châteaubriant, fomente à Rennes la première révolte qui précède la Révolution, devient Président de l’Assemblée Nationale, Premier Président du procès de Louis XVI et principal Conseiller financier de Napoléon. — Jean TERRIEN, son métayer, devient le redoutable Chef Chouan COEUR DE LION, flanqué de Jean PACORY dit COEUR DE ROI : Pierre PEAN, dont le cœur penche à Gauche, a des sources de première main : il est descendant de Jean TERRIEN . (L’Histoire continue d’ailleurs à faire des pied-de-nez : les THAREAU ont succédé aux TERRIEN à la Rouxière : Bernard THAREAU est député Socialiste au Parlement Européen, tout comme le descendant direct de Jean CHOUAN (alias Jean COTTEREAU) est’un militant socialiste connu. Quant aux DEFERMON ...
Et toute cette tranche d’HISTOIRE se passe entre ANCENIS la plutôt "Blanche" et CHATEAUBRIANT, la plutôt "bleue", entre GATINE et les CHAPELLIERES, entre ISSE et MAUMUSSON, sur fond de forêts, PAVEE, JUIGNE, et LA GUERCHE, etc ... autant de camps retranchés, avec comme objectifs les églises, mairies, gendarmeries et perceptions, comme enjeux la levée en masse (c’est-à-dire l’envoi à la guerre), l’armement (Les Forges de MOISDON), le ravitaillement, avec en arrière-plan nombre de refuges plus ou moins occultes comme
l’Abbaye de Melleray.
En dépit des multiples complicités ce n’est qu’un élément de ce livre qui confirme de nombreuses autres études), la Chouannerie,ancrée sur les bords de la Loire, s’est arrêtée in-extrémis aux portes de Châteaubriant, contrôlant plus ou moins, en fonction des périodes, tout ou partie de l’espace intermédiaire.
Certes, plusieurs républicains prestigieux ont tenu la place de Châteaubriant : MUSCAR, HOCHE, MARCEAU, SAVARY, Léopold(Brutus HUGO, quoique, selon les périodes, on se soit battu ou on ait parlementé. Les notables républicains locaux, TREBUCHET (dont Sophie, future mère de Victor HUGO), DEFERMON, qui avaient des membres dans chaque camp, ont su selon les circonstances ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier. Toutefois, chaque fois qu’il y a eu péril, la farouche "Confédération des Bleus de RETIERS" (17 communes aux environs d’ERCE), sous la conduite du Curé Républicain LANCELOT , a souvent stoppé l’avance des Chouans en attendant que RENNES envoie les renforts nécessaires .
LES CHAPELLIERES, c’est presque un siècle d’Histoire Locale en même temps que d’Histoire tout court, avant l’ACTE 1 (la Convocation des Etats Généraux et DEFERMON) et la FINALE (l’équipée légitimiste de la Duchesse de Berry et TERRIEN)
Que sont devenus ces acteurs de l’Histoire ? L’ardent étudiant et avocat révolutionnaire Jacques DEFERMON, est resté propriétaire terrien et est devenu très tôt adepte du libéralisme économique ( A la veille du deuxième Centenaire de la Révolution, ne voyez surtout - enfin comme vous voulez - aucune référence à nos républicains libéraux actuels ! pas plus qu’aux penseurs révolutionnaires de 1968 reconvertis depuis !) .
Jean TERRIEN/COEUR DE LION, est mort dans son lit à 89 ans : devenu Colonel du Roi, il est devenu nota-
ble. Les siens sont restés métayers des DEFERMON. Ce croisé de Dieu et du Roi n’était pas un enfant de chœur. Si la soldatesque bleue s’est parfois comportée comme armée en campagne, le nombre des exactions et des assassinats commis par les chouans (les brigands, dont les troupes ont eu parfois un comportement de "droits communs", a souvent été abominable.
Somme toute, dans chaque camp, les stratèges et les inspirateurs s’en sont pour la plupart bien tirés à plusieurs reconversions près : de l’exil ou de la Révolution à l’Empire, de la Restauration à l’Orléanisme voire à la République. Tant pis pour les patauds de base et les chouans de base .
Marcel BUFFE a donné, il y a quelques années, une bonne histoire de Châteaubriant. Pierre PEAN vient de donner un remarquable éciairage sur le sud et l’est de Châteaubriant. Charles TILLON, dont l’ancêtre, le Père Gérard, député paysan à la Constituante, est malmené par Pierre Péan, fait quelque référence au nord. Mais l’histoire de ce nord du Pays de La Mée reste à écrire .
Il est toujours risqué et dangereux d’extrapoler : mais cela est bien tentant. Près de deux siècles après, sur des motivations profondes et nobles, alimentés en effectifs par des refus de déportation du travail en Allemagne Nazie, les Résistants de cette Région ont redécouvert les caches, les forêts, les chemins creux, les granges à foin : cela s’appelle JUIGNE, TEILLE, SAFFRE etc ... Les mêmes camps retranchés, la même technique des coups de force , du ravitaillement : N’est-ce pas troublant ?
N’est-il pas troublant aussi qu’à peu près dans le même périmètre, un jeune syndicaliste paysan de Teillé, Bernard LAMBERT, plébiscité par la lame de fond des villages, soit devenu à 28 ans député (de Gauche) de Châteaubriant il y a quelque 30 ans : son itinéraire et sa fin tragique l’ont fait entrer dans la légende .
Etrange pays sur une partie duquel Pierre PEAN a levé un voile : anarchiste et conformiste à la fois qui tolère et excuse ses notables, les supporte, ies bouscule et parfois les bascule. Avis aux amateurs de dynastie ...
En tout cas Pierre PEAN a, au moins, un autre livre à écrire .
JG (signature de Jean Gilois)
Pierre PEÉAN, Maitre de Conférences à la Sorbonne, et journaliste, signe dans plusieurs journaux dont Le Canard Enchainé (où il a sorti l’affaire des Avions Renifleurs et celle des Diamants de Bokassa) et Libération.
Parmi ses dernters livres : "Affaires Africaines" et “Secret d’Etat" (éditions Fayard)
Marcei BUFFÉ - “Une cité dans l’Histoire : Châteaubriant" (Editions CID)
Charles TILLON - "Le Laboureur et la République, histoire du Père Gérard - (Editions Fayard)